OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Naypyidaw ou la dictature par l’urbanisme http://owni.fr/2011/06/22/naypyidaw-ou-la-dictature-par-lurbanisme/ http://owni.fr/2011/06/22/naypyidaw-ou-la-dictature-par-lurbanisme/#comments Wed, 22 Jun 2011 11:05:57 +0000 Pierre Cattan & Maria Concetta Sangrigoli http://owni.fr/?p=71117 Le 6 novembre 2005 à 6h37 du matin [en], la junte décide de déplacer la capitale Rangoon à Naypyidaw sur le conseil d’astrologues. Quelques jours plus tard, le 11 novembre 2005, 11 ministères, 11 bataillons et 1100 camions militaires se dirigent vers la nouvelle capitale, au milieu de la jungle à 300 km au nord. Des milliers de fonctionnaires birmans sont obligés, du jour au lendemain, de partir vivre dans cette ville immense et vide, au fin fond de la jungle birmane.

Pierre Cattan, producteur du webdocumentaire Happy World et Maria Concetta Sangrigoli, architecte et urbaniste, vous proposent de découvrir cette ville orwellienne en 6 tableaux.

Un peu d’histoire

Pourquoi transférer la capitale ?

Alors… Pourquoi transférer la capitale ?

Une ville démesurée

Une ville organisée par zones


Illustrations Jérôme Gonçalvès, avec Antoine Errasti
Publié initialement sur le site du webdocumentaire Happy World sous le titre, Naypyidaw parano: quand une junte paranoïaque construit une capitale

Retrouvez notre dossier dictature Birmane sur Owni.fr et en anglais sur Owni.eu

Interview: Happy World, Birmanie la dictature de l’absurde
L’opposition birmane dans le monde et l’application interactive
Birmanie, l’internet dangereusement civilisé

]]>
http://owni.fr/2011/06/22/naypyidaw-ou-la-dictature-par-lurbanisme/feed/ 8
[WEBDOC] Happy World Birmanie, la dictature de l’absurde http://owni.fr/2011/06/18/webdoc-happy-world-birmanie-la-dictature-de-l%e2%80%99absurde/ http://owni.fr/2011/06/18/webdoc-happy-world-birmanie-la-dictature-de-l%e2%80%99absurde/#comments Sat, 18 Jun 2011 11:11:15 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=68092 Le documentaire Happy World dénonce les absurdités de la dictature militaire en Birmanie en s’intéressant à leur impact sur la vie quotidienne des birmans. Réalisé par Gaël Bordier et Tristan Mendès-France en 2009, son titre est la promesse d’un voyage original pour plusieurs raisons. D’abord l’angle du sujet, ou comment faire la critique d’une des pires dictature au monde par l’humour et la satire. Le dessinateur de BD Guy Delisle avait commis un petit bijou dans le même esprit sur son année passée en Birmanie entre 2005 et 2006. L’histoire de son tournage, son mode de production culotté et au-delà du webdocumentaire, une expérience  innovante d’hyper-vidéo.

En 2008 Tristan Mendès-France, blogueur et journaliste, découvre un billet sur le musée de la drogue birman totalement absurde. De fil en aiguille il amasse une collection d’histoires qu’il présente au producteur Pierre Cattan : “Quand j’ai commencé à avoir une collection homogène sur ce sujet j’en ai parlé à Pierre en n’y croyant pas du tout. Il s’est pris au jeu et m’a présenté Gaël Bordier.” Emballés par le sujet,  ils se lancent dans l’aventure en 2009 avec en tête l’idée de réaliser un documentaire de 52 minutes pour les chaînes de télévision.

Une production en mode Creative Commons

Le documentaire hyper vidéo Happy World est diffusé en Creative Commons sur le web.  Pourquoi un tel choix pour une petite compagnie de production ? Le 52 minutes que nous avions en tête a été refusé par France 5, Canal + et Arte. Je n’ai pas voulu renoncer. C’est le livre de Chris Anderson, Free, sur l’économie de la gratuité, qui m’a convaincu de sauter le pas et d’innover. La version de 30 minutes en ligne sous licence Creative Commons, non commerciale, nous permettra je l’espère, de vendre la version longue à des télévisions dans le monde entier. Le reste est aléatoire.” Aléatoire?

Nous sommes dans une phase exploratoire sur le dispositif mis en place avec Happy World et de ce que cela pourra générer en terme de production. Nous allons essayer de créer de la valeur à partir de la gratuité.

Des opérations de crowdfunding sont mises en place le jour de la sortie du documentaire, à travers Flattr et Paypal. L’équipe de Cinquième étage production a fini par obtenir un pré-achat de 7000 euros de la chaîne Planète pour la diffusion et a financé le reste sur ses fonds propres, soit 97000 euros. Les sommes dépensées en production ont financé le contenu et le marketing éditorial, soit des contenus qui voyagent de façon autonome et qui redirigent les internautes vers le film. Pierre ajoute: “Nous n’avons pas fait un film associatif. Nous avons payé toutes les personnes qui ont travaillé pour nous. C’est le résultat d’une longue stratégie de 5ème étage qui a consolidé son autonomie en prenant le temps de constituer un vrai studio avec salle de montage, de mixage, cabine d’enregistrement de son, et studio d’animation.”

Un mode de diffusion inspiré par WikiLeaks

“Pour la diffusion,” continue Pierre Cattan, “c’est WikiLeaks qui nous a inspiré. La mise en ligne progressive des contenus, les partenariats avec des médias sérieux et réputés.” Prochaine étape, démarcher les médias internationaux, dont le New York Times. Le mode de production choisi permet aussi d’être indépendant et en total autonomie à la manière des producteurs américains. La production finance un premier projet sur ses fonds propres et les fonds récoltés avec le premier film permettent, dans l’idéal, de financer le second film. “Si ce modèle marche, nous continuerons à produire un webdoc par an de cette manière. Nous aurons un succès d’estime si nous n’avons pas de succès commercial. Ce sujet vaut tous les risques commerciaux, qui sont mesurés” dit Pierre Cattan.

Nous sommes d’une génération de producteurs de contenus qui sait faire des choses efficaces pour des coûts raisonnables. Nos trains de vie sont modestes par rapport à nos prédécesseurs. Ce qui nous intéresse c’est la diffusion massive du contenu auprès de 2 milliards d’internautes.

A tournage risqué, dispositif ingénieux

Les journalistes n’étant pas les bienvenus en Birmanie, il est d’usage de se faire passer pour un touriste. “Nous avons pris des précautions mais en même temps, nous ne sommes pas allés dans des zones de guerre, nous n’avons pas cherché à rencontrer des opposants en action,” raconte Tristan. “Nous étions donc moins exposés aux radars de la police”. Gaël complète :

Notre angle, l’absurdité de la dictature, nous a assuré une couverture. Ils ne pouvaient pas comprendre ce que nous faisions sur place. Nous étions deux touristes qui se filment. Notre deuxième niveau de sécurité était notre guide, qui pouvait estimer le niveau de dangerosité.

Equipés d’une petite caméra et d’un matériel son professionnel, les deux réalisateurs ont joué le jeu à fond avec un dispositif minuté, mis au point par Gael Bordier : “Nous devions faire quatre prises, un plan large et un plan serré dans chaque langue (fr/en) alors que la prise de risque augmente dès qu’on reste trop longtemps dans un même endroit à refaire la même scène”. Jouer les touristes et ne pas se faire prendre, être attentif et continuer son enquête.  Tristan qui a toujours été derrière l’écran, ajoute : “Il fallait tourner très rapidement. Si je ratais une prise, il fallait la refaire tout de suite. Je ne suis pas habitué à être devant la caméra, c’était la première fois. Ça a été tendu et parfois très laborieux. On a tout écrit sur place.”

C’est un documentaire qui est monté de façon linéaire, dit Gaël. Sur place nous avions une liste de nos thématiques que je notais sur mon calepin. Sur le Kyet Su par exemple, j’avais une scène avec Tristan au milieu des champs, ensuite la séquence au ministère de l’Agriculture. Pour compléter, je voulais une scène avec le témoignage d’un paysan. Nous avons construit à chaque fois des petites unités sur plusieurs jours, et tout cela avançait de front. Le film est comme un petit collier auquel on enfile des perles jusqu’à obtenir une séquence avec un milieu, un début et une fin.

Un Driver porte-bonheur

Arriver dans un pays en dictature pour tourner un documentaire, clandestin, sans un guide de confiance ? Impossible. “Sans le chauffeur-fixeur, nous n’aurions pas pu faire la moitié de ce que nous avions fait”, admet Tristan.

C’était crucial d’avoir quelqu’un à qui nous pouvions parler sans crainte et évoquer les sujets qui ne vont pas dans le sens de la junte sans pour autant lui dévoiler le vrai but de notre mission. Un contact en ouvre un autre, ce qui nous a permis de ne jamais être dans le flou.

C’est ce même chauffeur qui leur ouvre les portes du mystérieux Kyet Su en les emmenant au Ministère de l’agriculture.

Le Kyet Su: une plante aux vertus insoupçonnées…

Le Kyet Su est une plante cultivée à grande échelle en Birmanie pour produire du biodiesel. Les paysans sont obligés de la cultiver mais pas seulement pour des raisons économiques. Le Kyet Su est la plante “magique” qui va permettre à la junte birmane de se débarrasser de l’opposition. Comment ? La réponse est absurde, forcément.

Mais pour parvenir à cette découverte, Tristan Mendès-France et Gaël Bordier n’avaient que des bouts d’information : “Avant de partir, nous avons demandé à des spécialistes de la Birmanie s’ils savaient quelque chose sur une plante cultivée pour lutter contre l’opposition. Ils ont été incapables de nous répondre sur le Kyet Su. On nous avait vaguement parlé du Tournesol”. Peu d’informations filtrent de Birmanie et c’est une fois sur place que nos deux réalisateurs ont eu la chance de trouver au hasard d’une discussion avec leur guide, la réponse à leur question.

Je me rappelle lui avoir demandé un prospectus sur la plante Kyet Su pour avoir un support iconographique,raconte Gaël. Il est parti au quart de tour en nous disant “Je sais où je peux l’avoir ! Je sais où je peux l’avoir ! ” Quand nous avons vu la plaque du ministère,  je me suis dit : “mais qu’est-ce qu’il nous fait ?” Il était parti demander quelqu’un, c’était trop tard, nous étions jetés dans le ministère de l’Agriculture et nous avons du improviser.” Tristan quant à lui, n’aurait jamais rêvé d’entrer dans un ministère :

L’objectif là encore, n’était pas de parler des droits de l’homme, mais de montrer le fonctionnement du système, puisque nous avions eu la chance d’y entrer.

Et le culte du chef en Birmanie ?

La junte birmane. Qui sont-ils ? Un groupe de militaires dirigé par le généralissime Than Shwe qui a récemment démissioné de son poste de premier ministre et dissous la junte. Aucun signe de culte du chef n’est visible en Birmanie, comparable aux statues de Kim Jong Il en Corée du Nord ou aux portraits géants de Ben Ali en Tunisie.  Pour Tristan Mendès-France, c’est une particularité de la Birmanie : “C’est le système qui fait l’objet de l’idôlatrie et pas un individu ou un faciès. Pour les Khmers rouges c’était le Angkar et pour la junte birmane c’est la junte. C’est un regroupement de militaires dont on ne connaît pas tous les noms.” Ils seraient 9 dans le Conseil suprême, le chiffre porte bonheur de la junte, que l’on retrouve également sur les billets de banque de 9, 45 et 90 Kyat.

9, 45, 90…Superstitions, astrologie et culture populaire

Le pouvoir militaire, consulte régulièrement des astrologues pour prendre des décisions. Déplacer la capitale, changer le sens de circulation ou encore la valeur des billets de banques en utilisant des multiples de 9. Les exemples ne manquent pas. Ces superstitions se retrouvent-elles à tous les niveaux de la société birmane ? Gaël pensait au départ, accentuer le film sur l’astrologie. “Mais nous nous sommes rendus compte que c’était une croyance populaire, qui n’est pas propre à la junte militaire. Les Birmans ont des croyances très fortes, avec un mélange de plusieurs influences, bouddhisme, croyances locales, astrologie. Et la junte s’appuie sur ces croyances pour faire des choses absurdes et justifier certaines actions.”

Naypyidaw, ou la dictature par l’urbanisme

Le 6 novembre 2005 à 6h37 du matin [en], la junte décide de déplacer la capitale Rangoon à Naypyidaw sur le conseil d’astrologues. Naypyidaw est une ville immense située à environ 300 km au nord de Rangoon. Elle est construite pour la junte et réunit tous les centres du pouvoir exécutif et les administrations ainsi qu’une base militaire.

Une ville ouverte seulement aux personnes qui font du business avec la junte, aux militaires et où les touristes n’ont pas droit de cité, encore moins les journalistes. Comment a réagit la population au déplacement de la capitale? Tristan Mendès-France : “Ils trouvent ça absurde ! Ils le subissent. Pour les fonctionnaires ça a été terrible et financièrement très difficile. Ils ont été obligés d’habiter dans une ville à 300 km de leur foyer, du jour au lendemain, alors que leurs enfants étaient scolarisés à Rangoon.” Il ajoute :

Naypyidaw est une pure création de l’esprit. Ce n’est pas naturel, pas écologique, pas pratique. Les arguments qu’ils donnent en général, c’est l’éloignement des centres étudiants et des zones de mouvements sociaux. Ensuite,  c’est une position plus centrale, loin des côtes, pour éviter le débarquement des Américains. La paranoïa habituelle. C’est au frais du contribuable birman bien évidemment, avec la seule autoroute du pays, l’autoroute du diable, qu’ils ont faite pour eux. Elle est payante et il faut une autorisation pour l’utiliser.

La technique du zoo

Un Zoo = un bug de la machine administrative. Et comment vous avez convaincu le chauffeur et les autorités de vous laisser aller à Naypyidaw, la nouvelle capitale ?

Gaël répond avec un grand sourire: “On leur a dit qu’on voulait voir le zoo de Naypyidaw. Et comment voir ce zoo si on ne peut pas y dormir ?”

Tristan enchaîne : “Cet argument du zoo a fait bugger leur machine. Ils ont passé des coups de téléphone au ministère du Tourisme, au ministère de l’Intérieur. Je ne suis même pas sûr qu’ils aient vérifié qu’on soit bien allés au zoo. C’est une machine administrative dont le corps est vide. Les gens exécutent les ordres.”

Gaël : “Par moment, c’est bien huilé et à d’autres moment, c’est n’importe quoi. C’est le règne de l’arbitraire. Lorsque nous étions à la grande pagode de Naypyidaw, un mec est venu nous voir en nous demandant nos noms et nos numéros de passeport. Il voulait savoir ce qu’on faisait là. On n’a pas fait les marioles.”

Tristan : “Il s’est présenté comme étant étudiant. (rires) On ne peut pas être étudiant à Naypyidaw, il n’y a pas d’université. C’était absurde.”

Une révolution birmane ?

Un changement est-il possible en Birmanie, similaire aux révolutions tunisienne et égyptienne ou aux mouvements sociaux espagnols et grecs ? Tristan Mendès-France n’est pas convaincu :

La junte a tué le système éducatif et si on a des gens moins éduqués ils sont plus maniables et ils peuvent plus difficilement se coordonner pour organiser des mouvements sociaux. Il n’y a pas de réel accès à Internet et c’est télé Valium à fond toute la journée. On ne peut que souhaiter un “printemps asiatique” en Birmanie et dans la région mais tant que le grand parrain chinois continuera à soutenir la dictature, le pays restera en hiver.

Illustrations par Antoine Errasti pour Happy World

Photo d’Alexandre Brachet, Pierre Cattan, Tristan Mendès-France et Gaël Bordier par Simon Decreuze pour l’ l’Atelier des médias (cc)

Entretien réalisé avec Tristan et Gaël en février 2011

Retrouvez notre dossier dictature Birmane sur Owni.fr et en anglais sur Owni.eu
Image de Une réalisée par Marion Boucharlat pour Owni /-)

L’opposition birmane dans le monde et l’application interactive

Birmanie, l’internet dangereusement civilisé

]]>
http://owni.fr/2011/06/18/webdoc-happy-world-birmanie-la-dictature-de-l%e2%80%99absurde/feed/ 32
[APP] L’opposition birmane dans le monde http://owni.fr/2011/06/17/app-opposition-birmane-dans-le-monde/ http://owni.fr/2011/06/17/app-opposition-birmane-dans-le-monde/#comments Fri, 17 Jun 2011 10:30:19 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=67972 Le 30 mars 2011, la junte birmane était officiellement dissoute, le généralissime Than Shwe abandonnait le pouvoir et un nouveau chef de gouvernement était nommé. Une décision qui aurait pu passer pour une bonne nouvelle si le premier ministre Thein Sein n’était pas l’énième militaire à prendre les commandes de l’état fédéral du Myanmar depuis 1962.

Cette décision est intervenue quelques mois après les élections générales de novembre 2010, les premières organisées depuis vingt ans et la victoire d’Aung San Suu Kyi. Qualifiées maintes fois de mascarade par les médias autant que par une partie des opposants au régime, elles auraient eu pour dessein de légitimer le pouvoir de la junte militaire en la transformant en gouvernement civil démocratiquement élu.

Au-delà des débats suscités par la convocation de ces élections qui ont divisé les birmans et les principaux partis d’opposition, l’application interactive, réalisée en complément au web-documentaire “Happy World: la dictature de l’absurde”, vous permettra de constituer un panorama non exhaustif des oppositions birmanes, de leurs divergences et leurs points de ralliement.

Qui sont-ils, où sont-ils ? Partis politiques, groupes clandestins, associations, médias, en Birmanie ou exilés. Vous pourrez également rentrer dans le détail sur d’autres points:
Qui est favorable à un dialogue avec la junte?
Qui a boycotté les élections de novembre 2011?
Ou encore, quel groupe est pour le maintien des sanctions économiques?

Selon le dernier classement sur la liberté de la presse dans le monde effectué par RSF en 2010, la Birmanie est classée 174ème sur 178 pays. La censure est extrêmement forte et notamment sur Internet, ce qui lui a valu de figurer au palmarès des 10 pays Ennemis d’Internet dans le monde, aux côtés de l’Arabie saoudite, de l’Ouzbékistan ou encore de la Syrie.

République de l'Union du Myanmar


Une enquête de Marie Normand
Graphisme Antoine Errasti
Développement, Pierre Romera pour OWNI
Design, Pierre Cattan pour 5ème Etage Productions
Edition, Ophelia Noor

Crédits photo:
via Wikimediacommons ; via Flickr Lewihamdream [cc-by-nc] ; et illustrations d’Antoine Errasti pour Happy World
pour Happy World

Retrouvez notre dossier dictature Birmane sur Owni.fr et en anglais sur Owni.eu
Image de Une réalisée par Marion Boucharlat pour Owni /-)

Webdoc Happy World, Birmanie la dictature de l’absurde

Birmanie, l’internet dangereusement civilisé

]]>
http://owni.fr/2011/06/17/app-opposition-birmane-dans-le-monde/feed/ 6
Deux siècles de propagande en images http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/ http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/#comments Mon, 02 May 2011 08:00:14 +0000 david-c http://owni.fr/?p=59574 Petit dossier du jour, plein de poussières parce que retro au possible. Vous connaissez mon amour pour les pubs vintage et autres vieilleries publicitaires, présentes dans de nombreux articles, elles ont aujourd’hui le droit à un article entier.
Évidemment je vais pas m’éclater à faire un article : “Vieilles Pubs”, c’est inutile et pas très intéressant … Donc, après moultes réflexions, l’article d’aujourd’hui concerne tout un pan de l’histoire mondiale en deux siècles. Je cite : la propagande.

Le drapeau sublimé dans la propagande

En soit, ce n’est pas de la publicité pure et dure, mais ce fut de loin le modèle de communication le plus utilisé au XIXème siècle que ce soit en période de guerre comme de stabilité politique. Voici donc une petite rétrospective de la propagande comme vous ne l’avez jamais vu, pays par pays.

La gloire du communisme grâce à la propagande

La Corée du Nord : Bastion de la propagande actuelle

Dernière dictature communiste asiatique, la Corée du Nord est de loin le pays qui maîtrise le plus la propagande. Problématique : Comment faire croire à tout un peuple que ton pays est génial alors que même les rats tentent de fuir ?
Réponse : Mettez un petit bonhomme plein de style, embrigadez tout un peuple dans les mythes et prenez soin de votre communication via la propagande.

La Paysanne, heureuse dans ses champs

Les verts pâturages de la Corée du Nord (Actuellement en État de Famine)

Le sourire na-tu-rel

Évidemment, LE grand ennemi du communisme de type staliniste, c’est le capitalisme. Et qui est LE digne représentant du capitalisme ? Les États-Unis. La Corée du Nord élabore donc toute une propagande contre ses ennemis : les Américains. Et parfois c’est très violent.

Un pays ouvertement haineux envers l’Amérique


Au dessus : “Ne laissez pas les loups américains détruire vos vies”


Utilisation des symboles américains comme le Capitole …


… ou l’aigle, emblème du pays (Contre l’innocent bout de chou coréen)



Au dessus : “Rien n’arrêtera notre avancée !”

“Tous contre l’ennemi américain”

L’économie américaine symbolisée par le Capitole

Dans la même lignée, on a aussi toute une communication sur les avancées technologiques et matérielles du pays. Mais aussi sur les productions du pays qui seraient riches et suffisantes.

La Métallurgie performante du pays

Une technologie dernier cri, pour un pays compétent

Un système ferroviaire développé. Des mineurs héroïques

Même si ça fait très 70 – 80, ces affiches sont bien sorties durant les années 2000

La représentation de l’ennemi est très présente en Corée du Nord, tout comme ces capacités agricoles, techniques, mécaniques, productives, informatiques … Il reste cependant un élément qui est plus que mystifié : le parti (unique). C’est le fondement même de la société nord-coréenne.

Toutes les classes sont représentées pour la gloire du Parti

La gloire du communisme Nord-Coréen sans cesse célébré

Le Juche et le drapeau – Symboles du Pays – En haut”Le Brave Juche”

Le peuple Coréen, un peuple heureux

La Corée du Nord est l’un des derniers forts du communisme stalinien, connu pour sa propagande inimitable : joie des protagonistes, situations irréelles, mystification du pouvoir etc … Tout ça n’est pas sans rappeler l’un des principaux belligérants dans la guerre à la propagande : l’URSS.

L’URSS : La Propagande avec un grand P

Même si aujourd’hui elle n’existe plus, l’URSS a été LA grande puissance de la propagande. Des affiches par milliers, des représentations ultra-idéologiques, c’est en fait l’organisation qui a instauré les codes de la propagande moderne. Ancêtre des affiches Nord Coréennes, il y a tout de même la même structure partagée entre idéologie et embrigadement.

Les figures emblématiques du communisme de l’URSS : Lenine …

… et Staline”Comprenons le chef Staline, entrons dans le communisme”

Lenine mystifié

Contrairement à la Corée du Nord, on voit dans la propagande russe, la dominance du rouge et des symboles idéologiques avec une classe particulièrement représentées : les ouvriers. Représentation logique dans un contexte particulièrement tendu contre les États-Unis où l’apogée de l’URSS atteint des sommets.

La représentation de l’ouvrier et du prolétariat

Les paysans et paysannes, heureux.

La propagande de l’URSS est connue pour exposer ses capacités militaires et techniques, avec exhibitions d’armes et des transports. On chiffre, on veut faire peur, on veut rassurer le peuple. L’URSS est puissante et le montre.

L’importance de montrer des chiffres et du résultat, une spécialité propre à l’URSS

La compagnie nationale des chemins de fer

En haut : “Les ennemis sont au front, les Russes doivent résister aux ennemis de la révolution”

L’armée et la flotte aérienne

Ce type de propagande est aussi reconnaissable avec l’omniprésence des références au sang et à la guerre.

L’ennemi est capitaliste

“Défendons la ville de Lénine”

Tout le monde est réquisitionné, pour l’affrontement

Ce qui est propre à l’URSS c’est l’importance de la parole. Au fur et à mesure des années, il y a eu une évolution concernant la liberté d’expression, la propagande le révèle plutôt bien. De plus, la presse a son importance dans cette société, malgré sa large censure, elle est représentée, tout comme les livres et les diverses sources de savoir.

En bas : “Garde ta langue dans ta bouche”

“Rumeurs, mensonges, histoires, Parler”

L’appel aux connaissances – En bas : l’affiche revisitée par Franz Ferdinand (Second album)

Les dépêches russes, comme par exemple : la Pravda

L’affiche contre le Capitaliste (De préférence gros et bien habillé)

Célébration de la presse – 1926

Il est évident que comme la Corée du Nord, il y a une célébration inépuisable du parti et du communisme, fondement même de l’URSS (CCCP).

Au dessus : “10 ans de la révolution d’octobre”

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

En bas : “Tous, pour la victoire”

Ces différentes affiches, nous montre bien les différents codes présents dans la propagande russe et repris par la Corée du Nord. Ces codes sont utilisés par les deux puissances, mais une sous branche se détache et rend la propagande plus originale.

L’URSS Juive

En effet, avant la Seconde Guerre mondiale, l’URSS était l’un des principaux foyers de la population juive européenne. Aujourd’hui minoritaire, les juifs russes ont le plus souvent migré vers Israël ou les États-Unis. Cependant, on retrouve leurs traces culturelles dans la propagande avec de nombreux affichages tout en hébreu et ventant les mérites de l’URSS.

Le Prolétariat Russe Juif, représenté dans quelques affiches

Toujours les paysans juifs en URSS

Affiche qui montre la migration des Juifs Russes vers les États-Unis

Ces deux puissances communistes, nous montre bien l’importance de leurs codes dans leurs affiches : rouge, armée, pouvoir, prolétariat, réussite, ouvrier etc … Cependant, une troisième puissance communiste (Enfin aujourd’hui, communiste de marché, bonjour le paradoxe) se détache …

La Chine

Contrairement a ses consœurs, cette puissance a peu fait de propagande mais le peu qu’elle a fait diffère de l’URSS et de la Corée du Nord. On retrouve la majorité des codes MAIS représentée par des enfants, détail important qui permet à cette propagande d’être plus légère.

“Wrangly aime et respecte la maîtresse”

“Nous aimons les sciences”

“Paix et amitié”

Et évidemment, on retrouve tous les codes habituels du communisme, avec mystification du peuple, apogée du parti, drapeau et insignes …

Les insignes et symboles mais présentés de façon moins violente que l’URSS

L’honneur au drapeau et au labeur

La famille au premier plan

L’armée, moins de sang et plus d’armes

L’ouvrier et les paysans, dans des représentations plus “traditionnelles”

Le petit livre rouge – Propagande pro-Mao

On l’a vu avec ces trois pays que le communisme a été l’un des principaux acteurs du développement de la propagande. Faire oublier la réalité et se conforter dans l’image d’une puissance efficace qui fait peur devient désormais possible, grâce à la propagande.

Mais il ne faut pas oublier que les différentes guerres ont alimenté la propagande mondiale. Avec en tête : les États-Unis

Les États-Unis : L’armée au premier plan

La première puissance économique mondiale a bien utilisé la propagande. Entre les deux guerres mondiales, la guerre froide et les différentes crises géo-politique, le pays est devenu un acteur principal dans la propagande mondiale.

Le Mythique Oncle Sam qui vous pointe du doigt

Les valeurs : respect, honneur, patrie.

L’inimitable patriotisme américain

Avec les États-Unis, c’est simple : l’armée, les trois couleurs, les Marines et le drapeau. Rien en plus, rien en moins. Les Marines et la Navy sont particulièrement représentés.

Enlist in the Navy – Engagez-vous dans la marine

La Navy – Men & Young Men

Les couleurs américaines et le traditionnel uniforme – Navy

Le recrutement des Marines – “The Navy Needs you ! Don’t read American History, MAKE IT “

Tout en symboles : le drapeau, la statue de la liberté (Humanisée) et oncle Sam

Au delà de ces deux branches armées, on retrouve aussi l’armée de terre et l’armée aérienne, très présentes dans les conflits et fiertés des Etats-Unis. On les retrouve évidemment dans la propagande.

Army Air Force, typiquement masculine

Iwo Jima

She’s a WOW – La femme réquisitionnée

Les femmes au service du pays.

La propagande en pleine Seconde Guerre mondiale

Une production massive aux Etats-Unis

"Vole ! Pour sa liberté et la tienne"

La propagande américaine est donc essentiellement militaire et non pas idéologique (Bien qu’Oncle Sam en soit un bon vecteur). On retrouve cependant les fameux “Bonds” vendus lors de la Seconde Guerre mondiale pour financer le pays et le réarmement du Pays.

Oncle Sam, toujours là avec ses Bonds – Et en plus il pointe du doigt

“Repousser le barbare” grâce aux Bonds

Se battre ou acheter des Bonds

L'ennemi Japonais dans la propagande américaine

La propagande américaine reste donc 100% centrée sur l’armée et le combat sous toutes ses formes : via les bonds, les Marines, la Navy, les militaires, la flotte aérienne … L’ennemi n’a pas de forme précise à part celle des barbares. Ce type de propagande lui est propre car très patriotique (Voir là) et est totalement différente de la propagande européenne.

L’Europe

Cette dernière catégorie géographique concerne l’Europe. Bien moins important, voici un petit échantillonnage des différentes affiches de propagande sur deux siècles. On retrouve l’Espagne comme principal acteur de la propagande européenne, notamment à cause de la Guerre Civile.

France : Guerre Froide – Guerre d’Algérie

Allemagne – Hongrie

La propagande nazie : famille parfaite et ouvrier arien

Italie – Seconde Guerre Mondiale

Grande Bretagne – Caricature de Churchill – God Save The King

Portugal – Pays Basque

“Ayuda a la Evacuacion” : Aidez à l’évacuation

Le Socialisme forgera une nouvelle Espagne – L’implication des femmes pour la victoire

“L’unité de l’armée du peuple sera l’arme de la victoire”

Propagande des régions qui se veulent autonomes : Catalogne et Pays Basque

République Espagnole

Avec tout cet article, on peut voir que la propagande a été l’un des vecteurs des valeurs de chaque pays et idéologies au cours de ces deux siècles. En pleine apogée lors des différents conflits mondiaux ou internes, elle est aujourd’hui considérée comme une véritable forme de média pour l’époque. Cependant, une question subsiste : Reste t’il des traces de la propagande aujourd’hui ?

Et Maintenant ?

La propagande aujourd’hui est reconnaissable grâce à tous ses codes esthétiques, on en retrouve beaucoup dans certaines publicités. Résultat, l’art et la publicité réutilise les codes de la propagande.

L’utilisation par M&M’s des anciens codes soviétiques – L’art qui stylise Obama en propagande moderne

Juste pour le plaisir final, ce petit détournement très … actuel.

Un long article donc, qui nous montre que la propagande était une forme de communication comme une autre avec des codes et règles précises. Aujourd’hui on en retrouve des traces dans l’art mais aussi et surtout dans la publicité. Si vous avez des modèles, pas d’hésitation, proposez ;)


Publié initialement sur Advertisingtimes
Illustrations : via Advertisingtimes ; via Flickr par motobrowniano [cc-by-nc-sa]

]]> http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/feed/ 20 Les zones d’ombre du dictateur libyen http://owni.fr/2011/03/06/zones-ombre-dictateur-libyen-kadhafi-terrorisme-petrole/ http://owni.fr/2011/03/06/zones-ombre-dictateur-libyen-kadhafi-terrorisme-petrole/#comments Sun, 06 Mar 2011 12:46:52 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=49987 La semaine passée, la député européenne Eva Joly a vilipendé les relations des capitales occidentales avec le colonel Kadhafi. Stigmatisant leur « lâcheté » et appelant à une plus grande transparence. Ainsi, à la faveur de ce printemps arabe, plus que jamais, les diplomaties américaines et européennes sont suspectées d’avoir par cynisme permis aux dictatures d’Afrique du Nord de s’inscrire dans la durée. Et d’avoir dissimulé ces arrangements à leur opinion publique. C’est notamment le cas pour les échanges entretenus avec Mouammar Kadhafi, comme le montrent  les éléments rassemblés par OWNI.fr.

Terrorisme

Le bal des hypocrites s’ouvre avec les années 2000. Le 13 septembre 2003, l’ONU lève ses sanctions contre la Libye, et le 11 octobre 2004, l’Union européenne autorise à nouveau les ventes d’armes vers Tripoli. Offrant quelques opportunités aux industriels français de la Défense. Avant ces décisions, un embargo isolait le pays depuis plus de dix ans. En cause : l’implication d’agents des services de sécurité libyens dans la préparation de l’attentat de Lockerbie (décembre 1988) et dans celui du DC-10 d’UTA (septembre 1989).

Deux contre-enquêtes fouillées contestent alors la responsabilité des dirigeants de Tripoli dans ces affaires : un documentaire du réalisateur britannique Allen Francovich, et un livre du journaliste français Pierre Péan. Mais en 2003, le gouvernement libyen reconnaît sa responsabilité dans ces deux crimes et accepte de dédommager les familles des victimes. Kadhafi redevient vite un interlocuteur fréquentable.

Pourtant, les relations du régime libyen avec le terrorisme international se révèlent paradoxales. Peu après le 11 septembre, les enquêtes sur les réseaux d’Al-Qaida mettent à jour le premier mandat d’arrêt d’Interpol visant Oussama ben Laden. Surprise : il émane de Tripoli et il remonte au 16 mars 1998. Le document montre que les autorités judiciaires libyennes ont été les premières à émettre un mandat d’arrêt en bonne et due forme pour interpeller le chef d’Al-Qaida. À cette période, elles l’accusent d’être à l’origine d’un double assassinat perpétré dans la ville libyenne de Surt, quatre ans plus tôt, en 1994, contre deux fonctionnaires allemands.

Si Tripoli a bien soutenu des mouvements terroristes jusque dans les années 90 (groupuscules palestiniens radicaux, Armée républicaine irlandaise – IRA…), ce n’était surtout pas le cas des ancêtres d’Al-Qaida. Sujet bien connu dans les chancelleries occidentales, et à propos duquel les Libyens pourraient donc détenir des détails inédits. Dans les mois qui ont suivi le 11 septembre 2001, d’anciens fonctionnaires britanniques des affaires étrangères confiaient, sous couvert d’anonymat, que ces informations faciliteraient les tractations anglo-libyennes à venir.

Pétrole

Les anciennes relations entre l’Armée républicaine irlandaise (IRA) et les services de sécurités libyens passent en pertes et profits. Alors qu’elles sont avérées et que de nombreuses procédures judiciaires ont démontré l’existence de camps d’entraînement de l’IRA en Libye. Tandis que d’autres enquêtes ont montré que le Semtex (un explosif), employé dans plusieurs attentats de l’IRA, provenait de fournisseurs libyens. Cependant, après la fin de l’embargo décrété en 2003, le temps est au business. Chaque partie souhaite refermer les dossiers terroristes. Quelques années plus tard, en 2009, le Premier ministre britannique Gordon Brown s’obstinera même à refuser tout débat avec les familles des victimes de l’IRA.

Dans une série de courriers publiés par le Sunday Times en septembre 2009, il indique que la controverse sur le soutien de la Libye à l’IRA pourrait faire perdre au groupe BP l’exploitation de plusieurs gisements pétroliers. Quelques jours plus tard, les parlementaires britanniques décortiquent ces relations avec la Libye, mettant en évidence les déplacements à Londres du patron de la National Oil Company (NOC), la compagnie pétrolière libyenne. Tandis que plusieurs éléments matériels recueillis par des parlementaires américains montrent, qu’un peu plus tard, la Grande Bretagne a libéré le principal accusé libyen pour l’attentat de Lockerbie afin de favoriser l’implantation de BP en Libye.

Aux États-Unis, côté pouvoir exécutif, Tripoli devient aussi une destination commerciale. Début 2004, dans un discours à l’Université de Georgetown, le directeur de la CIA, George Tenet, justifie la fin de l’embargo au motif que ses services ont vérifié le sérieux des engagements libyens à renoncer à des programmes d’armes de destruction massive. Un an et demi plus tard, le géant américain ExxonMobil annonce son retour en Libye, où il est chargé d’exploiter l’un des plus vastes gisements du pays.

Dans le monde de l’après 11 septembre, les immenses ressources pétrolières libyennes excitent les convoitises. Des réserves estimées à 46 milliards de barils, inaccessibles au temps de l’embargo, tendent désormais les bras aux majors pétrolières. Alors que Paris, Londres et Washington souhaitent réduire leur dépendance énergétique à l’égard des monarchies islamiques suspectes de sympathie pour Al-Qaida, responsables politiques américains et européens se rapprochent du colonel Kadhafi.

Illustrations FlickR par byammar, monkeyc. Image de Une par Loguy pour OWNI.

Retrouvez notre dossier ainsi que l’ensemble de nos articles sur la Libye.

]]>
http://owni.fr/2011/03/06/zones-ombre-dictateur-libyen-kadhafi-terrorisme-petrole/feed/ 4
Djibouti: la révolution sans médias? http://owni.fr/2011/02/16/djibouti-la-revolution-sans-medias/ http://owni.fr/2011/02/16/djibouti-la-revolution-sans-medias/#comments Wed, 16 Feb 2011 11:20:37 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=46707 Un président au pouvoir depuis des décennies (et ancien des services de renseignements), soutenu par les grandes puissances en raison de l’importance géostratégique de son pays, en butte à son opposition à quelques semaines d’un scrutin présidentiel joué d’avance et confronté à des manifestations de rue… Vous pensez à Hosni Moubarak ? Zinedine Ben Ali ? Raté.

Prenez la direction du Sud, dans la Corne africaine, où un chef d’Etat se trouve confronté à une situation très semblable. Ces derniers jours, vous n’avez sûrement pas lu une ligne, ni vu une image de la colère qui vise Ismaël Omar Guelleh (IOG), président de la République de Djibouti depuis 12 ans, en piste pour un troisième mandat dès avril prochain (pour pouvoir se présenter, il a légèrement tripatouillé la constitution). Vous n’avez rien vu et pourtant ce n’est pas faute d’avoir dressé des parallèles, IOG affirmant sans rire dès février 2008 dans Jeune Afrique :

JN : Vous avez derrière vous une longue carrière au sein de la Sûreté nationale, et votre parcours, celui d’un homme d’ordre, n’est pas sans rappeler celui du président tunisien Ben Ali. C’est un modèle pour vous?

IOG : Le Président Ben Ali est plus fort que moi, cela ne fait aucun doute ! Sérieusement : la Tunisie est pour nous un vrai modèle, particulièrement dans le domaine clé de la lutte contre la pauvreté.

L’étincelle ? De mauvaises notes aux partielles de droit

Les faits sont têtus. Djibouti compte parmi les pays pauvres de la planète, tout en affichant une courbe de l’Indice de développement humain (IDH) plutôt positive ces quinze dernières années. Des chiffres en trompe-l’œil. Selon le World factbook de la CIA, l’espérance de vie des Djiboutiens (60 ans) place le pays au 186e rang sur 223. Pas de quoi pavoiser.

Pire : les écarts de niveau de vie sont tels entre la majorité des 740 000 Djiboutiens et les milliers de soldats français, américains ou japonais stationnés sur son territoire, que la population cultive un certain ressentiment à l’égard d’une classe politique jugée aussi corrompue qu’inefficace.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les premiers jours de février, le mouvement de contestation du régime a démarré par un rassemblement d’étudiants mécontents du système de notation en vigueur à l’université. Selon les observateurs de France 24, l’étincelle fut la publication des résultats des partielles du premier semestre de la fac de droit. Sur 180 étudiants, deux seulement ont obtenu la moyenne, la plupart écopant de notes allant de 2 à 4 sur 20.

Certains ont alors mis en cause le gouvernement, accusé de vouloir retarder l’entrée sur le marché du travail de ces futurs diplômés pour ne pas aggraver les chiffres du chômage. D’autres mettent en cause un vaste système de corruption au profit de jeunes, héritiers des barons du régime IOG.

Le samedi 5 février, une manifestation où se mêlent étudiants et lycéens dégénère. Plusieurs villas et commerces sont saccagés. La police intervient à coups de gaz lacrymogène. Certains témoins parlent de tirs. L’opposition djiboutienne basée à Bruxelles recense au moins deux morts, 20 blessés et des centaines d’arrestations.

Arrêté pour “participation à un mouvement insurrectionnel”

Mercredi 9 février, la vague d’arrestations touche le président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH). Arrêté par la gendarmerie, Jean-Paul Noël Abdi est inculpé par un juge de « participation à un mouvement insurrectionnel » et incarcéré à la prison de Gabode. Il risque 15 ans de prison.

Dès le lendemain, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) dénonce cette opération d’intimidation dans un communiqué qui a fait peu de bruit jusqu’à maintenant. M. Abdi n’est pas seul : au moins sept autres personnes ont subi le même sort.

Que faut-il en conclure ?

  • que Djibouti n’intéresse personne, en Europe comme dans le reste du monde
  • que les opposants à IOG ne savent pas se faire voir / entendre
  • que l’information n’a pas trouvé les canaux par lesquels toute révolution du XXIe siècle semble devoir passer, l’image et l’émotion qu’elle véhicule

Les Djiboutiens manquent d’une véritable story-telling révolutionnaire, prête à rendre leurs revendications adaptées à la production des grands networks de l’information. Faut-il en blâmer les intéressés ? Pas sûr, car il est peu probable qu’ils connaissent précisément la situation djiboutienne, minuscule pays confetti frappé par une crise politique et économique.

Comme rival, un homme d’affaires soutenu par Dubaï

Politiquement, Djibouti est un village. Avec ses familles et ses clans, qui structurent la société depuis des lustres et organisent les réseaux de pouvoir. La vie politique se règle à l’heure du Qat, dans les longs palabres de salon où l’élite se retrouve chaque après-midi. Ismaël Omar Guelleh est un Issa du clan Mamassan, originaire du Somaliland. Bien que majoritaire dans le pays, où les Afars représentent la minorité active, les Issas sont en proie à des rivalités internes, tout autant qu’aux soubresauts de la situation en Somalie. Hassan Gouled Aptidon, prédécesseur, oncle et mentor d’IOG l’aurait averti :

Ne te mêles jamais des affaires intérieures somaliennes ou elles te perdront.

Le pouvoir du président Guelleh est donc en proie, comme ses homologues chassés par les manifestations de rue, à une véritable usure du pouvoir où la répartition des richesses constitue un puissant levier. Or, Djibouti n’a pas été épargnée par la crise économique. C’est sans doute cette configuration -des ambitions présidentielles déclarées- qui ont décidé le très riche homme d’affaires Abdourahman-Charles Boreh à quitter le pays fin 2008. M. Boreh avait notamment monté le nouveau terminal portuaire financé par Dubaï, une installation qui tourne aujourd’hui au ralenti.

Depuis quelques mois, Abdourahman Boreh tente de mobiliser l’opinion djiboutienne autour de sa candidature à l’élection présidentielle du 8 avril. Cela suffira-t-il à déclencher un soulèvement populaire, comme à Tunis et au Caire ? L’Union pour l’alternance démocratique (UAD), coalition de plusieurs mouvements d’opposition, a lancé un appel à la manifestation pour vendredi 18 février. Loin de l’oeil du monde.

-
Crédits photo via Flickr : Saarab [cc-by--nd] Ismaël Omar Guelleh ; Jean-Paul Noël Abdi, photo de Jean-Loup Schaal pour Owni,

]]>
http://owni.fr/2011/02/16/djibouti-la-revolution-sans-medias/feed/ 7
Quand les pirates inventaient la démocratie et l’assurance maladie http://owni.fr/2011/01/03/quand-les-pirates-inventaient-la-democratie-et-lassurance-maladie/ http://owni.fr/2011/01/03/quand-les-pirates-inventaient-la-democratie-et-lassurance-maladie/#comments Mon, 03 Jan 2011 09:36:09 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=40896 Le 28 juillet 1609, une simple tempête jetée sur les premiers bateaux de la conquête anglaise a suffi à percer un trou dans le merveilleux projet de la Couronne : envoyé comme ses confrères pour alimenter en « bras frais » la colonie nouvelle de Virginie, le Sea Venture fut précipité sur une île paradisiaque des Bermudes, sans qu’aucun de ses habitants ne périsse. Or, dans ces contrées inexplorées, riches et pauvres Britanniques découvrirent le mode de vie oisif et heureux d’une poignée d’Indiens caraïbe pour lesquels la propriété privée, pas plus que le travail ou la faim, n’existait (presque) pas.

Alors que les bagnards déportés dans les plantations de la côte américaine crevaient de faim, de soif, poussés pour certains au cannibalisme par l’acharnement de la Virginia Company à exploiter ces terres nouvelles, l’équipage du Sea Venture se constitua en mutinerie et envoya à Londres un message improbable : ils resteraient hors du système.

Présentée en exergue du livre de Marcus Rediker et Peter Linebaugh (L’Hydre aux mille têtes, histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire), le naufrage du Sea Venture trace la ligne qui a séparé jusqu’au XIXe siècle la marine britannique et la piraterie : d’un côté, les folles ambitions économiques des grands marchands anglais et, de l’autre, le refus de d’une poignée de marins de servir de chair à canotage à cette dictature maritime qui sonnait le début du capitalisme. Car, n’en déplaise à Peter Pan, Walt Disney et tous leurs amis, la cruauté maritime était plutôt l’apanage de la Compagnie des Indes et des divers amiraux de la Royal Navy que des pirates de tous les océans.

Les débuts du capitalisme anglais : la dictature maritime

À l’époque où commence l’aventure maritime de l’Angleterre, le pouvoir doit faire face à un phénomène nouveau : l’exode rural. Avant même de les jeter dans les navires, la Couronne avait déjà commencé par jeter les pauvres à la rue en brisant le fonctionnement agricole traditionnel médiéval, basé sur l’usage de terres partagées (les commons), au profit de propriétaires terriens. Or, au même moment, les nouvelles colonies usaient à l’exploitation des champs et à la traite des Noirs des milliers d’hommes chaque mois, qui mourraient soit en route, soit sur place. La monarchie décida donc de déverser les prisons dans les bateaux qui, par la dureté de la mer, avaient l’avantage de se vider bien plus vite.

Poussé par la concurrence avec la Hollande pour l’appropriation du Nouveau Monde, l’Angleterre promulgua successivement des lois de plus en plus dures pour les marins et les paysans expropriés : en 1617, la déportation devint une peine criminelle légale ; en 1649, le refus de l’enrôlement forcé sur les chantiers navals devint passible de la peine de mort. En 1652, les Articles of War instaurèrent un véritable régime martial dans la Royal Navy, punissant 25 des 39 délits énumérés de la peine capitale. La terreur devint la règle des amiraux, seul outil dont disposait la Couronne pour faire tourner la machine atlantique qu’elle n’arrivait plus à alimenter. Car, les milliers d’hommes dont avait besoin le Commonwealth pour maintenir le pont de bateaux entre Londres, la Virginie et la Guinée, elle n’avait pas les moyens de les payer ou de les nourrir ! En 1620, les révoltes se multiplièrent pour non paiement de soldes et conditions de travail inhumaines : selon Rediker, trois quarts des marins recrutés de force périssaient dans les deux ans qui suivaient leur enrôlement. Et, parmi eux, seulement un cinquième mourrait pendant les batailles. Des conditions de vie qui poussaient des effectifs grandissants de l’autre côté de la loi de la Couronne, dans les bras des boucaniers et des pirates.

Un système humaniste, fruit des mélanges et des traditions

« Double inversé de la figure du souverain » pour reprendre la formule de Rodolphe Durand et Jean-Philippe Vergne, l’organisation pirate offrait une sorte de négatif des lois de la Royal Navy dans l’enceinte du bateau : au diktat d’un capitaine « imperator » ne répondant qu’aux ordres des actionnaires de sa compagnie, les pirates opposaient un chef élu démocratiquement, à une voix par tête, pouvant être démis de ses fonctions par le même suffrage, pour couardise, refus de pillage voire pour s’être trop comporté comme un gentilhomme ! Face à lui, un contrepoids, le quartier-maître gérant les réserves et les exigences des marins. Dans cette organisation égalitaire, chacun avait même accès aux vivres et à la boisson, « motivation plus forte que l’or », assurait le capitaine Bartholomew Roberts. Quant aux butins, ils étaient répartis en parts égales redistribuées selon une charte fixée dans chaque bateau : une par marin, une et quart ou une et demi pour les officiers subalternes et une et demi à deux pour le capitaine et le quartier-maître. Trois siècles et demi avant la lettre, les boucaniers avaient inventé le plafonnement des salaires ! Autre originalité : une partie de chaque butin était versé à un fond servant à indemniser les victimes des duretés de la mer, les amputés d’une jambe gagnaient ainsi trois parts du paiement du chirurgien mais, pour un œil, la moitié seulement de cette somme.

Il y a de maigres gages et un dur labeur ; ici, l’abondance et la satiété, le plaisir et l’aisance, la liberté et le pouvoir ; qui hésiterait à se ranger du côté du créditeur, quand tout le risque qu’il court est, au pis, de mourir étouffé ? Non, une vie joyeuse et une vie brève, telle est ma devise », Bartholomew Roberts, capitaine pirate.

Toutes ces idées, les pirates ne les avaient pas créées de toute pièce : nombreux anciens bagnards, ils avaient pour certains vécu comme paysans avant la fin des commons et héritaient de cette tradition paysanne de mutualisation. Sur le bateau, pas même le capitaine n’avait de cabine qui ne soit partagée, et toute atteinte au bien commun était sévèrement sanctionnée : citée dans L’organisation pirate, le « code de la côte » du capitaine Roberts prévoyait la mort pour qui détournerait « ne serait-ce qu’un dollar » du butin collectif.

À cette tradition rurale médiévale s’ajoutait l’apport des cultures indiennes et africaines niant la propriété : face aux mutineries et à la désertion, la Navy se voyait poussée à recruter des Français, des Hollandais mais aussi des Amérindiens, Caraïbes ou Africains, lesquels fuyaient parfois vers les bateaux ayant levé le drapeau noir. Il y était accueilli au même titre que les Européens. Moins nombreuses, les femmes avaient également leur place à égalité avec leurs camarades marins. L’équipage du capitaine noir Sam Bellamy comptait en 1717 huit nationalités, dont des Amérindiens, des quarterons et des esclaves affranchis ou échappés. De ces brassages émergea même un créole des mers, le pidgin, qui, à des mots anglais, ajoutait des bouts de français ou de hollandais, des termes de dialectes algonquins, une grammaire proche des langues d’Afrique occidentale… Face à ces échanges, la Navy édictait des lois : en 1743 encore, elle pendait des marins pour avoir entonné « des chants nègres ».

Une insurrection permanente mais locale

Bien que disposant de quelques « havres » (notamment en Jamaïque), la « nation pirate » restait très fragmentée : le plus gros équipage, celui du capitaine Morgane qui comptait 2000 hommes, était une exception au milieu d’organisations de quelques bateaux, réunissant une ou deux centaines d’hommes tout au plus.

En marge des nouvelles routes commerciales, la haute mer constituait pour les pirates un « maquis » où ils survécurent ponctuellement. Trois « vagues » de piraterie se brisèrent sur trois murs d’argent : en 1670, les boucaniers furent décimés par la Virginia Company, en 1690, la Compagnie des Indes fit pièce à leurs successeurs et, au début du XVIIIe, c’est le très lucratif commerce de l’esclavage qui eu raison des pavillons noirs.

Car, malgré son aspect marginal, la piraterie se mit en travers du processus d’accumulation capitalistique des premiers grands commerçants anglais. Sans être une révolution, elle s’est imposée comme une « insurrection toujours avortée sans cesse renouvelée », pour reprendre les mots de Rodolphe Durand et Jean-Philippe Vergne. Bien que discontinu, ce système de territoires d’égalité et de démocratie en dehors des cartes du Commonwealth a constitué une avant-garde sociale qui résonne jusqu’à aujourd’hui. Pour Hakim Bey, ces « zones d’autonomie temporaire » ou TAZ (Temporary autonomous zone) sont la réponse au problème de la masse nécessaire pour enclencher la dynamique révolutionnaire. Une insurrection permanente d’avant-garde sociale alimentée par des îlots reliés par un réseau hors de contrôle des autorités normatives ? Peter Pan a du souci à se faire…

Quelques pistes pour poursuivre l’exploration

    Un essai à lire et à pirater sur les “utopies concrètes locales” : TAZ de Hakim Bey.
    Une pièce de théâtre classique inspirée du naufrage du Sea Venture : La Tempête, de William Shakespeare.
    Un roman méconnu mais fantastique sur la nation maritime : Le vaisseau des morts de B. Traven.
    De la SF française sur les aventures du capitaine corsaire François Villon égaré sur les mers et dans le temps : Le Déchronologue de Stéphane Beauverger.
    Un film épique sur la réalité de la cruauté de l’amirauté britannique : Les révoltés du Bounty (1962) avec Trevor Howard dans le rôle du capitaine imperator.

Crédit photo : FlickR CC Pacticaowl ; earcos / Wikimedia Fish and karate.

]]>
http://owni.fr/2011/01/03/quand-les-pirates-inventaient-la-democratie-et-lassurance-maladie/feed/ 18
Internet stimule l’imbécilité http://owni.fr/2010/03/03/internet-stimule-l%e2%80%99imbecilite/ http://owni.fr/2010/03/03/internet-stimule-l%e2%80%99imbecilite/#comments Wed, 03 Mar 2010 11:30:47 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=9342 3648178346_7703e25f821-450x262

De nos jours, aux États-Unis. Pour avoir participé à un viol collectif, 7 mois de prison1. Pour un braquage à main armée, 18 mois. Pour l’enregistrement vidéo d’un film dans une salle, 24 mois2. Pendant que de plus en plus de gens dénigrent Internet, prétendent qu’il n’a aucune influence politique et sociale, les tribunaux dispensent des peines disproportionnées pour des délits survenus sur Internet. Dans le même temps, les gouvernements votent des lois pour réduire la liberté des internautes. N’est-ce pas paradoxal ?

Si Internet n’avait aucune importance, pourquoi faudrait-il légiférer à son sujet ? Pourquoi faudrait-il pénaliser des activités qui ne mettent en danger la vie de personne ? Pourquoi même faudrait-il en parler ? Mais si on en parle autant, n’est-ce pas que quelque chose couve ? Peut-être pas quelque chose qui a été prévu, mais quelque chose d’encore innommable.

Le viol, le braquage à main armé, le crime… n’effraient pas les structures de pouvoir. Elles les ont intégrés et même abondamment pratiqués au cours de l’histoire. Le piratage d’un film constitue, en revanche, une menace plus subversive. Il s’agit de manipuler l’information, de la transférer par des canaux alternatifs, des canaux qui échappent aux structures de pouvoir. Elles n’ont pas l’intention de se laisser contourner.

Alors Internet n’a aucun impact sociétal ? Par leurs réactions musclées, les gens de pouvoir me paraissent plus lucides que l’intelligentsia techno-sceptique.

Books

Dans son numéro de mars-avril, la revue Books titre en cover Internet contre la démocratie ? Bien sûr pour égratigner Internet. Je vais y revenir. Mais ne trouvez-vous pas étrange que ces revues papier qui peinent à cause d’Internet ne cessent de dénigrer Internet ?

Comment les prendre au sérieux ? Si Internet change un tant soit peu la société, leur modèle ne tient pas. Comment voulez-vous que ces journalistes soient objectifs ? Le rédacteur-en-chef de Books avoue d’ailleurs dans son édito que sa revue est loin de l’équilibre.

J’imagine ce qu’il pense : « Que ce serait bien si Internet pouvait se dégonfler, si on pouvait en revenir à l’ancienne économie du papier. Alors essayons d’entretenir cette idée d’un Internet malsain pour entretenir cette autre idée que les informations de qualité ne se trouvent que sur le papier. » Ce point de vue traverse le dossier de Books.

Vous allez peut-être vous demander si les défenseurs d’Internet sont eux-mêmes objectifs ? Si Internet se développe, nous gagnons par ricochet du prestige. D’un autre côté, nous aussi, surtout ceux qui comme moi vivent de l’écriture, nous ne gagnons rien à ce développement, il ne nous paie pas plus que les journalistes des magazines qui agonisent (et même moins). Si nous nous engageons pour Internet, c’est parce que nous croyons qu’il ouvre de nouvelles possibilités historiques. Nous le faisons, en tout cas je le fais, par militantisme.

Oui, nous sommes des militants, nous ne sommes donc pas objectifs, mais nous ne nous contentons pas du monde que nous observons. Nous voulons le transformer, l’orienter dans la mesure de nos moyens dans une direction qui nous paraît plus agréable (je reste vague au sujet de cet agréable pour laisser la place à une pluralité d’agréables).

La technique du Lone Wolf

Lors de cette brillante conférence, Alain Chouet nous explique qu’Al Qaïda est morte entre 2002 et 2004 :

Ce n’est pas avec un tel dispositif [une cinquantaine de terroristes vivant en conditions précaires dans des lieux reculés et avec peu de moyens de communication] qu’on peut animer à l’échelle planétaire un réseau coordonné de violence politique.

Preuve : aucun des terroristes de Londres, Madrid, Casablanca, Bali, Bombay… n’ont eu de contact avec l’organisation. Chouet nous présente tout d’abord la vision traditionnelle de ce qu’est une structure politique hiérarchisée. Pour agir à l’échelle globale, elle a besoin de liens fonctionnels. Il faut que des gens se parlent et se rencontrent et se commandent les uns les autres. Si ces critères ne sont pas remplis, la structure n’existe pas, Al Qaïda n’existe pas.

Chouet montre toutefois qu’une autre forme d’organisation existe, un réseau de gens isolés, les loups solitaires qui se revendiquent d’Al Qaïda. Maintenant que l’information circule, n’importe quel terroriste peut se dire d’Al Qaïda s’il se sent proche des valeurs d’Al Qaïda. Il n’a pas besoin adhérer au parti pour être membre du parti.

Pour Chouet, on ne combat pas une structure en réseau avec des armées hiérarchisées. On ne fait ainsi que créer des dommages collatéraux qui ont pour effet d’engendrer de nouveaux terroristes. Pour s’attaquer au réseau, il faut une approche en réseau. Exemple : proposer en tout point du territoire une éducation et une vie digne aux hommes et aux femmes qui pourraient devenir membres du réseau.

Tous ceux qui critiquent Internet et même tous ceux qui théorisent à tort et à travers à son sujet devraient écouter et réécouter cette conférence d’Alain Chouet. Trop souvent, ils pensent hiérarchies et oublient que le Web a été construit par des loups solitaires (à commencer par Tim Berners-Lee qui a travaillé en perruque au CERN). Pour créer un site Web, nous n’avons rien à demander à personne.

Inversement, si des gens veulent utiliser internet pour s’attaquer à des structures centralisées, ils ont tout intérêt à adopter une stratégie en réseau (à moins d’être de force égale ou supérieure à leurs ennemis centralisés).

Le cyberoptimisme

En introduction du dossier de Books, Olivier Postel-Vinay veut en finir avec le cyberoptimisme. C’est un peut comme s’il écrivait qu’il fallait en finir avec l’église catholique, l’anarchisme ou le capitalisme. Le cyberoptimisme, c’est l’engagement militant que j’évoquais.

Il ne s’agit pas d’en finir mais de faire que cet optimisme se concrétise et transforme la société, cette société pas toujours belle à voir. Sans optimisme, elle risque de se gâter davantage. Et puis optimisme rime-t-il avec irréalisme ? Je ne vois pas de lien de cause à effet.

Et puis quand on écrit dans un canard qui se prétend sérieux et qu’on fait parler des gens comme Berners-Lee, on les cite. Où le père du Web a-t-il dit qu’Internet pouvait jouer un rôle sur le plan démocratique ?

[Berners-Lee] se persuada très tôt du rôle positif, voire révolutionnaire, que ce nouvel instrument pourrait jouer sur le plan de la démocratie, écrit Postel-Vinay. Avec le Web, Internet offrait désormais à tout un chacun la possibilité de s’exprimer immédiatement dans la sphère publique et d’y laisser une trace visible par tous, dans le monde entier. Bien avant l’apparition de Google et autres Twitter, l’outil affichait un énorme potentiel de rénovation civique.

Que de confusions. Internet tantôt un instrument, tantôt un outil, pourquoi pas un media. Internet est bien plus que tout cela : un écosystème où l’ont peut entre autre, créer des outils. Il ne faut pas confondre le Web et les services Web comme Google ou Twitter. Cette confusion peut avoir des conséquences aussi dramatiques que de prendre Al Qaïda pour une structure hiérarchique et l’affronter comme telle.

Le Web est une structure décentralisée, en grande partie auto-organisée. Google, Twitter, Facebook… sont des entreprises centralisées, structurées sur le même modèle que les gouvernements les plus autocratiques de la planète. Comment imaginer que des citoyens pourraient faire la révolution en recourant à ces services ? Il faut être un cyberdumb comme Clay Shirky pour le croire. Alors doit-on dénigrer Internet à cause d’un seul imbécile avec pignon sur rue outre atlantique ?

La partie politique du dossier de Books ne s’appuie que sur les théories de Shirky critiquées par Evgueni Morozov. C’est surréaliste. Shirky vit dans le monde des capital-risqueurs américains. Vous vous attendez à une quelconque vision politique novatrice venant d’un tel bonhomme ?

Comment quelqu’un nourri à la dictature de l’argent pourrait penser la révolution politique ? Il ne le peut pas. Pour lui la révolution ne peut passer que par les services cotés en bourse. On n’abat pas la dictature avec des outils dictatoriaux sinon pour établir une nouvelle dictature.

Il faut arrêter de prendre Shirky en exemple et de généraliser ses idées à tous les penseurs du Web. Surtout à Berners-Lee qui n’a jamais fait fortune. Qui s’est toujours tenu à l’écart du monde financier.

Dans Weaving the Web, il évoque le rôle de la transparence des données et de leur interfaçage (ce qu’il appelle le Web sémantique). Il a souvent depuis répété que les démocraties se devaient d’être transparentes, ce que permet le Web. Ce n’est pas quelque chose d’acquis et c’est pourquoi il faut des militants. Le Web en lui-même ne suffit pas. Sa simple existence ne change pas le monde. C’est à nous, avec lui, de changer le monde.

La volonté de puissance

En 2006, quand j’écrivais Le cinquième pouvoir, nous en étions encore à une situation ouverte. Les militants comme les activistes politiques utilisaient divers outils sociaux de petite envergure qu’ils détournaient parfois de leur cible initiale. Personne ne savait a priori d’où le vent soufflerait.

Aujourd’hui, tout le monde partout dans le monde utilise les mêmes outils, des monstres centralisés faciles à contrôler (espionner, bloquer, contraindre… il suffit de suivre les péripéties de Google en Chine). De leur côté, les partis politiques, à l’image des démocrates d’Obama durant sa campagne 2008, créent leurs propres outils pour mieux contrôler leurs militants. D’ouverte, nous sommes passés à une situation fermée. La faute en incombe à trois composantes sociales.

  1. Les engagés qui se mettent en situation de faiblesse en utilisant des outils centralisés.
  2. Les forces politiques traditionnelles, au pouvoir ou à sa poursuite, qui elles aussi mettent en place des outils centralisés pour mieux contrôler (et on peut accuser tous ceux qui les conseillent afin de s’enrichir).
  3. Les développeurs de services qui veulent eux aussi contrôler et qui poussent à la centralisation pour maximiser leurs bénéfices.

Ce n’est pas en utilisant Twitter, ou tout autre service du même type, que les citoyens renverseront la dictature ou même provoqueront des changements de fond dans une démocratie.

[…] les six derniers mois [de la révolution iranienne] peuvent être vus comme attestant l’impuissance des mouvements décentralisés face à un état autoritaire impitoyable – même quand ces mouvements sont armés d’outils de protestation moderne, écrit Morozov.

Nouvelle confusion entre bottom-up, ce mouvement qui monte de la base iranienne, et la décentralisation qui elle n’est accessible que par l’usage d’outils eux-mêmes décentralisés. La modernité politique est du côté de ces outils, pas de Twitter ou Facebook qui ne sont que du téléphone many to many à l’âge d’Internet.

Avec ces outils centralisés, on peut au mieux jouer le jeu de la démocratie représentative installée, sans jamais entrer en conflit avec les intérêts de ces forces dominantes. Impossible de les utiliser pour proposer des méthodes réellement alternatives à celles choisies par les gouvernements. Par exemple, si les monnaies alternatives se développent avec des outils centralisés, elles seront contrées dès qu’elles dérangeront.

  1. Un service centralisé est contrôlable car il suffit d’exercer des pressions sur sa hiérarchie.
  2. Un service centralisé est contrôlable car il dépend d’intérêts financiers. Rien de plus confortable que de céder à des tyrans en échange de revenus conséquents.
  3. Un service centralisé n’est presque jamais philanthropique.
  4. Un service centralisé dispose d’une base de données d’utilisateurs. Il ne garantit pas la confidentialité. « Sans le vouloir, les réseaux sociaux ont facilité la collecte de renseignements sur les groupes militants, écrit Morozov. » Sans le vouloir ? Non, leur raison commerciale est de recueillir des renseignements pour vendre des publicités.
  5. Un service centralisé où tout le monde se retrouve c’est comme organiser des réunions secrètes aux yeux de ses ennemis.
  6. Un service centralisé est par principe facile à infiltrer.

Cette liste des faiblesses politiques des outils comme Twitter ou Facebook pourrait s’étendre presque indéfiniment. Il faut être naïf pour songer un instant que la révolution passerait par ces outils. Le capitalisme ne peut engendrer qu’une révolution capitaliste. Une révolution pour rien : le passage d’une structure de pouvoir à une autre. Pour les asservis, pas beaucoup d’espoir à l’horizon.

Dans Le cinquième pouvoir, je parle de la nécessité de nouvelles forces de décentralisation. Aujourd’hui, les partis mais aussi les militants n’utilisent le Web que comme un média un peu plus interactif que la télévision. Pas de quoi encore changer la face du monde. C’est ailleurs que se joue la révolution sociale de fond.

Si les dictatures s’adaptent sans difficulté aux outils centralisés comme le montre Morozov, elles sont tout aussi dans l’embarras que les démocraties pour lutter contre le P2P. Cela montre la voie à un activisme politique indépendant et novateur, quels que soient les régimes politiques. Pour envisager la rénovation avec le Web, il faut adopter la logique du Web, c’est-à-dire la stratégie des loups solitaires.

  1. Usage d’outils décentralisés, notamment du P2P.
  2. Aucun serveur central de contrôle.
  3. Anonymat garanti.
  4. Force de loi auto-organisée pour éviter les dérives pédophiles, mafieuses…
  5. Économie où Internet est si vital qu’il ne peut pas être coupé ou même affaibli sans appauvrir les structures dominantes. Ce dernier point est fondamental.

À ce jour, seul le Web lui-même s’est construit en partie suivant cette approche, ainsi que les réseaux pirates et cyberlibertaires de manière plus systématique.

La démocratie P2P

Mais qu’est-ce qu’on appelle démocratie ? Quelle démocratie Internet pourrait-il favoriser ? Utilisé pour sa capacité à engendrer des monstres centralisés, il ne peut que renforcer le modèle représentatif, quitte à le faire verser vers la dictature.

Internet est potentiellement dangereux (mais qu’est-ce qui n’est pas dangereux entre nos mains ?). Il peut en revanche nous aider à construire un monde plus décentralisé, un monde où les pouvoirs seraient mieux distribués, où la coercition s’affaiblirait, où nous serions moins dépendants des structures d’autorités les plus contestables.

Exemple. Les blogueurs ont potentiellement le pouvoir de décentraliser la production de l’information et sa critique. Je dis bien potentiellement. À ce jour, le phénomène est encore marginal. Mais ne nous précipitons pas. Le Web a vingt ans. Il y a dix ans la plupart des Internautes ne savaient rien d’Internet. Nous ne pouvons pas attendre du nouvel écosystème qu’il bouleverse la donne du jour au lendemain. Ce serait catastrophique et sans doute dangereux. Que les choses avancent lentement n’est pas un mal.

Alors n’oublions pas de rêver. Mettons en place les outils adaptés à nos rêves et utilisons-les dès que nécessaire pour résister. Ne commettons pas l’imprudence de nous croire libres parce que nous disposons d’armes faciles à retourner contre nous.

Avez-vous vu un gouvernement favoriser le développement du P2P ? Certains parmi les plus progressistes le tolèrent, les autres le pénalisent. Le P2P fait peur. Voilà pourquoi un pirate inoffensif écope de 2 ans de prison. Voilà pourquoi aussi il n’y aura de révolution politique qu’à travers une démocratie P2P.

Cessons de nous demander en quoi Internet bouleverse la démocratie représentative. En rien, en tout cas en rien de plus que la télévision en son temps, il exige de nouvelles compétences et favorisent d’autres hommes, au mieux peut-être porteur d’idées plus novatrices, mais rien n’est moins sûr.

Si Internet doit bouleverser la politique, c’est en nous aidant à inventer une nouvelle forme de démocratie, une démocratie moins autoritaire, une démocratie de point à point, une démocratie de proximité globale.

Au fait, j’ai titré ce billet “Internet stimule l’imbécilité” parce que la peur d’Internet fait dire n’importe quoi à des gens qui ne savent pas ce qu’est Internet et qui recoupent des textes écrits par des intellectuels qui eux-mêmes ne connaissent pas Internet (et la régression pourrait être poussé bien loin).


(1) J’ai trouvé ces peines dans un commentaire sur Numerama. J’ai un peu fouillé pour constater que les peines pour viol aux US étaient de durée variable mais parfois de juste 128 jours de prison.

(2) Dans le même article de Numerama.

> Article initialement publié sur Le peuple des connecteurs

]]>
http://owni.fr/2010/03/03/internet-stimule-l%e2%80%99imbecilite/feed/ 3