OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Cellules souches: idéologie et science parlementaires http://owni.fr/2011/06/30/cellules-souches-ideologie-parlementaires/ http://owni.fr/2011/06/30/cellules-souches-ideologie-parlementaires/#comments Thu, 30 Jun 2011 14:29:10 +0000 Roud http://owni.fr/?p=72311

Dans un discours devant les militants, samedi 25 juin, François Fillon a fustigé le décalage entre les défis que le monde nous lance, et les réponses si légères et si décalées qui sont avancées (source Le Monde).

Il parlait bien sûr du Parti Socialiste. Peut-être aurait-il dû plutôt parler de ce que vient de voter le Parlement en matière de cellules souches.

Car s’il y a bien un exemple patent où l’idéologie modèle les décisions politiques, c’est dans le domaine de la recherche, et en particulier la recherche biomédicale.

En France, les nouvelles lois sur la bioéthique, bien loin de simplifier la donne, vont en effet mettre de nouveaux bâtons dans les roues du secteur. Il n’est pas impossible que le domaine des cellules souches embryonnaires, déjà bien peu vaillant car simplement toléré par dérogation, finisse par mourir en France. La raison est donnée par Marc Peschanski dans Nature News :

Désormais, il nous appartient à nous, chercheurs, de démontrer qu’il n’existe pas d’alternative à nos propres recherches sur les cellules souches [embryonnaires], alors que la charge de la preuve reposait auparavant sur l’Agence de la bio-médecine.

Bref, non seulement le chercheur doit penser, chercher, rédiger des demandes de financement (non garanties), mais en plus, il doit maintenant démontrer qu’il ne peut pas faire autrement dans ses recherches !

L’inattendu au cœur de la recherche

On est bien loin de l’idéal de liberté académique ou encore du programme Vannevar Bush et de la “République des Sciences” après guerre :

Les découvertes entrainant les progrès médicaux ont souvent pour origine des domaines obscurs ou inattendus, et il est certain qu’il en sera de même à l’avenir. Il est très probable que les progrès dans le traitement des maladies cardio-vasculaires, rénales, du cancer et d’autres maladies similaires seront le résultat d’avancées fondamentales dans des sujets sans rapport avec ces maladies, et peut-être même d’une façon totalement inattendue pour le chercheur spécialiste. Les progrès futurs nécessitent que la médecine toute entière, et les sciences fondamentales telles que la chimie, la physique, l’anatomie, la biochimie, la physiologie, la pharmacologie, la bactériologie, la pathologie, la parasitologie. etc… soient largement développées.

Oui, l’inattendu est au cœur de la recherche scientifique, il est donc absurde voire contre-productif pour le chercheur lui-même d’essayer de montrer que d’autres systèmes qu’il ne connaît pas pourraient (ou pas) potentiellement répondre aux questions posées ! Sans compter que si d’autres pistes alternatives existent pour résoudre un problème, seront-elles pour autant financées si elles sont beaucoup plus chères ?

Une volonté de tuer la recherche sur les cellules souches ?

En réalité, on peut même se demander si le but de la loi n’est pas fondamentalement de tuer le domaine tout en faisant bonne figure, lorsque la loi de bioéthique précise que :

Les recherches alternatives à celles sur l’embryon humain et conformes à l’éthique doivent être favorisées.

Le sous-entendu est clair : les recherches sur les cellules souches embryonnaires ne seraient donc pas éthiques. Peu importe l’enjeu scientifique, peu importe même le débat éthique, les sous-entendus religieux (la fameuse équation embryon=être humain) l’ont emporté. Au Sénat, l’argument classique a été énoncé par M. Bruno Retailleau, sénateur MPF de Vendée :

Ce changement de régime juridique représente également une régression anthropologique. Je sais qu’il n’y a pas d’accord entre nous sur le moment où l’on franchit le seuil de la vie. Qui peut dire quand commence la vie ? Pourtant, nous voyons bien qu’il existe un continuum entre ces cellules qui se multiplient dans les premiers jours et ce qui deviendra vraiment une personne humaine, un sujet de droit. Or ce continuum, qui résulte du fait que chaque étape du développement de l’embryon contient la précédente, rend impossible la détermination précise du seuil d’entrée des cellules dans le champ de la vie humaine.

C’est vrai, je ne suis pas capable de dire quand un embryon devient un être humain, je ne suis pas capable de définir ce qu’est exactement un être humain. En revanche, je suis capable de donner une condition partagée par tous les être humains : par exemple, tous les être humains que je connais ont un cœur, des muscles, des neurones. Choses que n’ont pas des embryons au premier stade de développement. L’argument du continuum m’a toujours semblé fallacieux dans la mesure où les transformations successives de l’embryon (gastrulation, neurulation, etc…) changent évidemment sa nature, tout comme la fécondation elle-même.

Que penser aussi de ce genre d’arguments mystico-religieux sur la “toute-puissance” que les chercheurs transgresseraient (Marie-Thérèse Hermange, sénatrice UMP de Paris) :

Il ne s’agit pas de s’opposer à la recherche en tant que telle, mais il convient de ne pas oublier non plus que le coût de cette politique est la destruction d’un début de vie humaine. J’observe d’ailleurs que le début de la vie humaine intéresse les chercheurs dans les cinq premiers jours, c’est-à-dire au moment où les cellules sont « totipotentes », selon le terme technique employé, ce qui illustre bien le fait que cette « toute-puissance » initiale joue un rôle majeur dans le développement futur de l’être humain. Il me semble donc important d’utiliser au maximum les solutions de rechange existantes qui sont bien plus efficaces.

Pour répondre sur le même mode, la toute-puissance, c’est aussi le Chaos fondateur des mythes grecs, celui qui recèle tout le potentiel mais qui doit s’auto-organiser pour l’exprimer et engendrer les Dieux. Sans cette auto-organisation, il n’ est rien d’autre qu’un potentiel inutile, un chaos au sens commun du terme. Les Anciens avaient peut-être un sens plus développé du sacré que la civilisation judéo-chrétienne.

Le Parlement français est en réalité sur la même ligne que les mouvements chrétiens conservateurs américains, qui, suite à la levée des obstacles juridiques bushiens par Obama, se sont lancés il y a quelques mois dans une grande bataille judiciaire visant à interdire la recherche sur les cellules souches pour les mêmes raisons et avec les mêmes arguments “alternatifs” (cellules souches adultes, cellules iPS) utilisés par les Parlementaires français. J’en avais parlé ici; le dernier épisode en date étant que les choses ont l’air de s’arranger pour les chercheurs sur les cellules souches embryonnaires.

Alors que la campagne de 2012 se lance, et qu’à n’en pas douter on parlera d’avenir et de compétitivité future pour la France, le Parlement Français a pris une décision lourde de conséquence pour la recherche et la future industrie biomédicale française. Au nom de principes moraux pour le moins discutable, et sans réel débat éthique et scientifique fondé, le Parlement vient peut-être de porter le dernier coup fatal à ce domaine de recherche en France.

En 2012, votons pour la Science.


Photos Wikimedia Commons : Domaine public et CC-by Nissim Benvenisty

Article publié initialement sur Matières vivantes

]]>
http://owni.fr/2011/06/30/cellules-souches-ideologie-parlementaires/feed/ 7
En France, Le débat sur les cellules souches embryonnaires reste au point mort http://owni.fr/2010/11/25/en-france-le-debat-les-cellules-souches-embryonnaires-reste-au-point-mort/ http://owni.fr/2010/11/25/en-france-le-debat-les-cellules-souches-embryonnaires-reste-au-point-mort/#comments Thu, 25 Nov 2010 13:53:38 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=33466 Alors que le débat américain sur les cellules souches ressemble à un feuilleton de soap-opéra – dernier épisode en date, un juge fédéral a annulé le décret de Barack Obama sur le financement public de la recherche sur des cellules souches – nous entendons peu parler de la situation en France.

Y-a-t-il une absence de débat scientifique ou s’agit-il simplement d’un manque d’intérêt public et politique pour la question? Éclairage sur un problème d’éthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Espoirs étouffés dans l’œuf

Il s’agit tout d’abord de faire face à la pénurie de don d’organes et réparer des tissus malades mais, les promesses longtemps portées par les cellules souches s’estompent peu à peu face aux difficultés de parcours des chercheurs en thérapie cellulaire. Pourtant, on parlait de guérir la maladie de Parkinson, l’insuffisance cardiaque ou bien des maladies génétiques, entre autres.


Le souci, c’est qu’effectuer des recherches sur les cellules souches, et plus précisément sur les cellules souches embryonnaires (cellules ES) – des cellules capables de se transformer en n’importe quel tissu ou organe – c’est toucher au vivant et à l’humain. Et le débat peut être parfois vif et houleux en ce qui concerne l’Homme, quel que soit son stade de développement.

En France, la loi de bioéthique de 1994 interdit d’abord d’effectuer des recherches sur des embryons et a fortiori sur des cellules souches embryonnaires. Dix ans plus tard, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le Conseil d’Etat et l’Académie Nationale de Médecine réalisent tout le potentiel de ces cellules et préconisent une autorisation sous conditions. Une révision de la loi de 1994 conduit donc à nuancer cette interdiction totale, en permettant pendant cinq ans certaines dérogations d’utilisation des embryons surnuméraires de fécondations in vitro, avec l’accord des géniteurs.

L’Agence de la biomédecine a d’ailleurs été créée à l’époque – le 5 mai 2005 – pour garantir un choix sélectif des projets choisis et des dérogations accordées, ces dernières n’ayant lieu que dans des cas particuliers menant à “permettre des progrès thérapeutiques majeurs” et surtout à ne pas remplacer une “méthode alternative d’efficacité comparable”. En parallèle, le gouvernement français signait à l’époque un décret permettant l’importation de cellules souches embryonnaires, sensé faciliter le travail des chercheurs et assurer une solution transitoire en attendant un débat plus décisif sur la question.

Mais, entre 2004 et 2008, seules 57 autorisations de protocoles de recherche sur les embryons ont été accordées en France et 39 autorisations d’importations. En réalité, la recherche en thérapie cellulaire  se trouve ralentie par le flou éthique et législatif mais aussi par les nombreuses étapes administratives à “subir” avant de pouvoir faire aboutir un projet viable de recherche.

La révision de la loi, un virage manqué

À l’occasion de la révision de la loi de bioéthique en 2009, le milieu de la recherche peut s’attendre à voir la situation évoluer vers une autorisation totale. En effet, une interdiction pure et simple signerait un véritable retour en arrière dans un débat de longue haleine.

À l’époque, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine décrit le système en marche comme étant “néfaste” d’un point de vue juridique. Dans la même veine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ainsi que le CCNE abondent dans le sens d’une recherche “autorisée mais encadrée”.

Mais le Conseil d’Etat, tout en reconnaissant les difficultés qu’impose le moratoire aux instituts de recherche, notamment en termes de prédictions de résultats thérapeutiques, rend sa décision en mai 2009 et préconise de conserver les mêmes normes d’autorisation. 2010 marque la mise en place d’une nouvelle réflexion autour d’une révision de la loi de 1994, une nouvelle de voir la situation évoluer. Alors aujourd’hui, où en sommes-nous?

Jean Leonetti, rapporteur de la mission parlementaire sur la bioéthique, avait proposé en début d’année de parler dorénavant d’obligation de “finalité médicale” et non-plus de “finalité thérapeutique”. Par “finalité médicale”, il faut comprendre “ayant pour but une amélioration de la santé de l’homme, et non le savoir pour le savoir”. Une façon détournée d’élargir les champs de recherche.

Plusieurs parlementaires de l’Opecst ont ensuite défendu l’autorisation réelle des projets de recherche sur les cellules ES, dans un cadre très strict, certes, et sous certaines réserves. Dans la foulée, ils ont permis l’ouverture du débat sur les cellules de sang de cordon, porteuses d’espoirs thérapeutiques.
Le projet de loi est aujourd’hui prêt et finalement… peu de changements effectifs. La recherche sur les cellules ES est toujours interdite, sauf dérogations. Seule modification : la limite de période de dérogation initialement  fixée à cinq ans disparait. Un pas de souris.

Le salut viendra peut-être des CPI (Cellules Pluripotentes induites), des cellules souches que deux équipes de recherches japonaise et américaine ont réussi à créer à partir de… cellules de peau humaine ! Si cette nouvelle piste de recherche aboutit, le débat sur l’utilisation d’embryons humains pourra se clore de lui-même. En attendant, c’est statu quo… ou quasiment.

Illustrations FlickR CC : BWJones, stefg74

]]>
http://owni.fr/2010/11/25/en-france-le-debat-les-cellules-souches-embryonnaires-reste-au-point-mort/feed/ 2
Cellules souches embryonnaires reloaded http://owni.fr/2010/11/24/cellules-souches-embryonnaires-reloaded/ http://owni.fr/2010/11/24/cellules-souches-embryonnaires-reloaded/#comments Wed, 24 Nov 2010 15:34:40 +0000 Roud http://owni.fr/?p=33464

Août 2010 : le juge fédéral Royce Lamberth rend une décision terrible pour la recherche sur les cellules souches humaines aux États -Unis. Suite à une plainte de deux chercheurs travaillant sur les cellules souches “adultes” (et soutenus par des associations familiales d’inspiration conservatrice), le juge prend la décision de suspendre tous les travaux sur les cellules souches financés par des fonds fédéraux. Une décision qui met en péril tout ce domaine de recherche aux États-Unis et représente sans aucun doute un point de basculement pour un pays dont la législation a en permanence jonglé entre impératifs moraux et de recherche ces 15 dernières années.

La législation américaine sur le sujet dérive en effet de l’amendement Dickey-Wicker voté en 1996. Cet amendement à forte inspiration conservatrice stipule, pour faire simple, qu’aucun fond fédéral ne peut être utilisé pour financer la recherche impliquant la destruction d’embryons humains. Comme l’extraction de cellules souches embryonnaires ne peut se faire sans destruction d’embryons, cette loi interdisait donc de facto aux scientifiques la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

L’astuce de Clinton, l’interdiction de Bush

Pour contourner cet amendement, l’administration Clinton (au pouvoir à l’époque)  met en place une distinction subtile en 1999. L’idée est la suivante : certes on ne peut détruire des embryons sur fonds fédéraux, mais on peut demander à ce que la destruction nécessaire à l’extraction des cellules souches soit faite sur fonds privés, tout en autorisant la recherche sur fonds publics pour les cellules souches ainsi dérivées. Ainsi la recherche sur le sujet peut-elle décoller  !

Bush junior est alors élu fin 2000. Le 9 août 2001, il prononce un discours (disséqué par mes soins dans ce billet) annonçant un encadrement ferme de la recherche sur les cellules souches. W  revient sur la distinction faite par Clinton  : il interdit purement et simplement l’utilisation de fonds publics pour la recherche sur les cellules souches impliquant la destruction de nouveaux embryons.  Bush autorise néanmoins les recherches financées par l’état fédéral pour un type de cellules souches embryonnaires humaines : celles dérivées avant la décision du 9 Août 2001, dans la mesure où l’embryon a de facto déjà été détruit.

Pendant 8 ans, les chercheurs doivent gérer cette situation tant bien que mal. Certains décident de tenir deux labos en parallèle : l’un financé sur des fonds fédéraux, utilisant les lignées dérivées avant le 9 Août 2001 autorisées par Bush, l’autre financé par des fonds privés, autorisé par conséquent à dériver des nouvelles lignées et à faire de recherche dessus.  On le devine, la situation n’était pas simple. Notons toutefois que certains États (comme le Massachussets) décident de contourner la loi Bush en offrant des financements sur leurs fonds propres.

Les incertitudes de l’ère Obama

Fin 2008, Obama est élu. Début mars 2009, Obama signe un “executive order” levant l’interdiction formulée par Georges Bush, et revenant essentiellement à l’ère Clinton. Champagne dans les labos, qui peuvent de nouveau se servir de fonds fédéraux sur la seule base de la science et sans avoir à faire de la traçabilité fine de tout le financement. Cependant,  l’executive order d’Obama ne revenait pas sur l’amendement Dickey-Wicker.

Ce qui permet au juge Lamberth de balayer donc début août de cette année cette fine distinction entre destruction d’embryons (interdite sur les fonds publics) et utilisation de cellules souches issue de cette destruction (autorisée de nouveau par Obama).

If one step or ‘piece of research’ of an E.S.C. research project results in the destruction of an embryo, the entire project is precluded from receiving federal funding,

Si un projet de recherche sur les cellules souches nécessite la destruction d’un embryon, le projet entier ne doit pas recevoir de financement fédéral

Pire : de facto, la décision Lamberth interdit même la recherche sur les cellules souches autorisées par Bush. Le domaine se trouve soudainement complètement bloqué : le NIH (National Institute of Health, principal organisme de financement)  suspend les demandes de financement du domaine, suspend les futurs paiements planifiés, etc. L’inquiétude gagne les labos travaillant sur ce sujet exigeant et coûteux qui risquent de mettre la clé sous la porte. Finalement, le 9 septembre, un appel suspend provisoirement la décision du juge Lamberth, avant que la Cour d’Appel du District de Columbia ne conteste la validité des conclusions du juge Lamberth (sans toutefois les réfuter). La recherche peut continuer pour l’instant, mais en l’absence d’une nouvelle législation, rien n’est sûr pour demain,  nombreux sont les chercheurs du domaine dans les limbes

Billet initialement publié sur Matières premières

Image CC Flickr afagen

]]>
http://owni.fr/2010/11/24/cellules-souches-embryonnaires-reloaded/feed/ 4
Cellules souches embryonnaires aux USA: ||je t’aime, moi non plus http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-aux-eu-je-taime-moi-non-plus/ http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-aux-eu-je-taime-moi-non-plus/#comments Fri, 19 Nov 2010 15:45:18 +0000 Roud http://owni.fr/?p=35982

Août 2010 : le juge fédéral Royce Lamberth rend une décision terrible pour la recherche sur les cellules souches humaines aux États -Unis. Suite à une plainte de deux chercheurs travaillant sur les cellules souches “adultes” (et soutenus par des associations familiales d’inspiration conservatrice), le juge prend la décision de suspendre tous les travaux sur les cellules souches financés par des fonds fédéraux. Une décision qui met en péril tout ce domaine de recherche aux États-Unis et représente sans aucun doute un point de basculement pour un pays dont la législation a en permanence jonglé entre impératifs moraux et de recherche ces 15 dernières années.

La législation américaine sur le sujet dérive en effet de l’amendement Dickey-Wicker voté en 1996. Cet amendement à forte inspiration conservatrice stipule, pour faire simple, qu’aucun fond fédéral ne peut être utilisé pour financer la recherche impliquant la destruction d’embryons humains. Comme l’extraction de cellules souches embryonnaires ne peut se faire sans destruction d’embryons, cette loi interdisait donc de facto aux scientifiques la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

L’astuce de Clinton, l’interdiction de Bush

Pour contourner cet amendement, l’administration Clinton (au pouvoir à l’époque)  met en place une distinction subtile en 1999. L’idée est la suivante : certes on ne peut détruire des embryons sur fonds fédéraux, mais on peut demander à ce que la destruction nécessaire à l’extraction des cellules souches soit faite sur fonds privés, tout en autorisant la recherche sur fonds publics pour les cellules souches ainsi dérivées. Ainsi la recherche sur le sujet peut-elle décoller  !

Bush junior est alors élu fin 2000. Le 9 août 2001, il prononce un discours (disséqué par mes soins dans ce billet) annonçant un encadrement ferme de la recherche sur les cellules souches. W  revient sur la distinction faite par Clinton  : il interdit purement et simplement l’utilisation de fonds publics pour la recherche sur les cellules souches impliquant la destruction de nouveaux embryons.  Bush autorise néanmoins les recherches financées par l’état fédéral pour un type de cellules souches embryonnaires humaines : celles dérivées avant la décision du 9 Août 2001, dans la mesure où l’embryon a de facto déjà été détruit.

Pendant 8 ans, les chercheurs doivent gérer cette situation tant bien que mal. Certains décident de tenir deux labos en parallèle : l’un financé sur des fonds fédéraux, utilisant les lignées dérivées avant le 9 Août 2001 autorisées par Bush, l’autre financé par des fonds privés, autorisé par conséquent à dériver des nouvelles lignées et à faire de recherche dessus.  On le devine, la situation n’était pas simple. Notons toutefois que certains États (comme le Massachussets) décident de contourner la loi Bush en offrant des financements sur leurs fonds propres.

Les incertitudes de l’ère Obama

Fin 2008, Obama est élu. Début mars 2009, Obama signe un “executive order” levant l’interdiction formulée par Georges Bush, et revenant essentiellement à l’ère Clinton. Champagne dans les labos, qui peuvent de nouveau se servir de fonds fédéraux sur la seule base de la science et sans avoir à faire de la traçabilité fine de tout le financement. Cependant,  l’executive order d’Obama ne revenait pas sur l’amendement Dickey-Wicker.

Ce qui permet au juge Lamberth de balayer donc début août de cette année cette fine distinction entre destruction d’embryons (interdite sur les fonds publics) et utilisation de cellules souches issue de cette destruction (autorisée de nouveau par Obama).

If one step or ‘piece of research’ of an E.S.C. research project results in the destruction of an embryo, the entire project is precluded from receiving federal funding,

Si un projet de recherche sur les cellules souches nécessite la destruction d’un embryon, le projet entier ne doit pas recevoir de financement fédéral

Pire : de facto, la décision Lamberth interdit même la recherche sur les cellules souches autorisées par Bush. Le domaine se trouve soudainement complètement bloqué : le NIH (National Institute of Health, principal organisme de financement)  suspend les demandes de financement du domaine, suspend les futurs paiements planifiés, etc. L’inquiétude gagne les labos travaillant sur ce sujet exigeant et coûteux qui risquent de mettre la clé sous la porte. Finalement, le 9 septembre, un appel suspend provisoirement la décision du juge Lamberth, avant que la Cour d’Appel du District de Columbia ne conteste la validité des conclusions du juge Lamberth (sans toutefois les réfuter). La recherche peut continuer pour l’instant, mais en l’absence d’une nouvelle législation, rien n’est sûr pour demain,  nombreux sont les chercheurs du domaine dans les limbes

Billet initialement publié sur Matières premières

Image CC Flickr afagen

]]>
http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-aux-eu-je-taime-moi-non-plus/feed/ 2
Cellules souches embryonnaires en France: un débat au point mort http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-un-debat-au-point-mort-en-france/ http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-un-debat-au-point-mort-en-france/#comments Fri, 19 Nov 2010 12:12:02 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=36098 Alors que le débat américain sur les cellules souches ressemble à un feuilleton de soap-opéra – dernier épisode en date, un juge fédéral a annulé le décret de Barack Obama sur le financement public de la recherche sur des cellules souches – nous entendons peu parler de la situation en France.

Y-a-t-il une absence de débat scientifique ou s’agit-il simplement d’un manque d’intérêt public et politique pour la question? Éclairage sur un problème d’éthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Espoirs étouffés dans l’œuf

Il s’agit tout d’abord de faire face à la pénurie de don d’organes et réparer des tissus malades mais, les promesses longtemps portées par les cellules souches s’estompent peu à peu face aux difficultés de parcours des chercheurs en thérapie cellulaire. Pourtant, on parlait de guérir la maladie de Parkinson, l’insuffisance cardiaque ou bien des maladies génétiques, entre autres.


Le souci, c’est qu’effectuer des recherches sur les cellules souches, et plus précisément sur les cellules souches embryonnaires (cellules ES) – des cellules capables de se transformer en n’importe quel tissu ou organe – c’est toucher au vivant et à l’humain. Et le débat peut être parfois vif et houleux en ce qui concerne l’Homme, quel que soit son stade de développement.

En France, la loi de bioéthique de 1994 interdit d’abord d’effectuer des recherches sur des embryons et a fortiori sur des cellules souches embryonnaires. Dix ans plus tard, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le Conseil d’Etat et l’Académie Nationale de Médecine réalisent tout le potentiel de ces cellules et préconisent une autorisation sous conditions. Une révision de la loi de 1994 conduit donc à nuancer cette interdiction totale, en permettant pendant cinq ans certaines dérogations d’utilisation des embryons surnuméraires de fécondations in vitro, avec l’accord des géniteurs.

L’Agence de la biomédecine a d’ailleurs été créée à l’époque – le 5 mai 2005 – pour garantir un choix sélectif des projets choisis et des dérogations accordées, ces dernières n’ayant lieu que dans des cas particuliers menant à “permettre des progrès thérapeutiques majeurs” et surtout à ne pas remplacer une “méthode alternative d’efficacité comparable”. En parallèle, le gouvernement français signait à l’époque un décret permettant l’importation de cellules souches embryonnaires, sensé faciliter le travail des chercheurs et assurer une solution transitoire en attendant un débat plus décisif sur la question.

Mais, entre 2004 et 2008, seules 57 autorisations de protocoles de recherche sur les embryons ont été accordées en France et 39 autorisations d’importations. En réalité, la recherche en thérapie cellulaire  se trouve ralentie par le flou éthique et législatif mais aussi par les nombreuses étapes administratives à “subir” avant de pouvoir faire aboutir un projet viable de recherche.

La révision de la loi, un virage manqué

À l’occasion de la révision de la loi de bioéthique en 2009, le milieu de la recherche peut s’attendre à voir la situation évoluer vers une autorisation totale. En effet, une interdiction pure et simple signerait un véritable retour en arrière dans un débat de longue haleine.

À l’époque, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine décrit le système en marche comme étant “néfaste” d’un point de vue juridique. Dans la même veine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ainsi que le CCNE abondent dans le sens d’une recherche “autorisée mais encadrée”.

Mais le Conseil d’Etat, tout en reconnaissant les difficultés qu’impose le moratoire aux instituts de recherche, notamment en termes de prédictions de résultats thérapeutiques, rend sa décision en mai 2009 et préconise de conserver les mêmes normes d’autorisation. 2010 marque la mise en place d’une nouvelle réflexion autour d’une révision de la loi de 1994, une nouvelle de voir la situation évoluer. Alors aujourd’hui, où en sommes-nous?

Jean Leonetti, rapporteur de la mission parlementaire sur la bioéthique, avait proposé en début d’année de parler dorénavant d’obligation de “finalité médicale” et non-plus de “finalité thérapeutique”. Par “finalité médicale”, il faut comprendre “ayant pour but une amélioration de la santé de l’homme, et non le savoir pour le savoir”. Une façon détournée d’élargir les champs de recherche.

Plusieurs parlementaires de l’Opecst ont ensuite défendu l’autorisation réelle des projets de recherche sur les cellules ES, dans un cadre très strict, certes, et sous certaines réserves. Dans la foulée, ils ont permis l’ouverture du débat sur les cellules de sang de cordon, porteuses d’espoirs thérapeutiques.
Le projet de loi est aujourd’hui prêt et finalement… peu de changements effectifs. La recherche sur les cellules ES est toujours interdite, sauf dérogations. Seule modification : la limite de période de dérogation initialement  fixée à cinq ans disparait. Un pas de souris.

Le salut viendra peut-être des CPI (Cellules Pluripotentes induites), des cellules souches que deux équipes de recherches japonaise et américaine ont réussi à créer à partir de… cellules de peau humaine ! Si cette nouvelle piste de recherche aboutit, le débat sur l’utilisation d’embryons humains pourra se clore de lui-même. En attendant, c’est statu quo… ou quasiment.

Illustrations FlickR CC : BWJones, stefg74

]]>
http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-un-debat-au-point-mort-en-france/feed/ 58
Le contrôle de l’éthique par les experts http://owni.fr/2010/10/14/le-controle-de-lethique-par-les-experts/ http://owni.fr/2010/10/14/le-controle-de-lethique-par-les-experts/#comments Thu, 14 Oct 2010 10:28:51 +0000 Bastien Lelu http://owni.fr/?p=30 Titre original : L’éthique en pratique, est-ce bien démocratique ?

Clonage humain, bébés-médicament, cellules souches… face aux questions préoccupantes que ne manquent pas de poser certaines possibilités techniques qui se manifestent à l’horizon des possibles, nous assistons à une généralisation des comités d’éthique. Souvent, ceux-ci sont vus comme une bonne chose, indispensable même, alors qu’ils ne constituent pas la seule possibilité pour avancer sur des questions délicates. Plus encore, ils peuvent servir un processus de choix de société concernant les sciences et les techniques.  Tout ce qu’il y a de moins démocratique.

Dans un article récent, la chercheuse en sciences politiques Mariachiara Tallacchini s’est penchée sur les effets concrets des comités d’éthique mis en place au niveau de l’Union européenne. A rebours des analyses usuelles, elle a cherché non pas ce que l’éthique devenait en s’institutionnalisant, mais plutôt comment celle-ci participait à redéfinir le politique. Le résultat est édifiant, comme vous pourrez le constater à la lecture de cette courte introduction aux réflexions de la chercheuse italienne.

Petite histoire d’une éthique institutionnalisée

Depuis une trentaine d’années, L’Union européenne  finance largement  la recherche et l’innovation et, par suite, fait face à un ensemble de questions sociétales liées au développement scientifique et technique. Pour y répondre, suivant l’évolution du modèle américain, elle a peu à peu remplacé un processus d’évaluation technologique relativement ouvert, destiné à informer les décisions du Parlement concernant les innovations technologiques, par les seuls comités d’éthique. Restreignant ainsi l’horizon des questions pertinentes à ce que ces comités jugent bon, il ne s’agit plus de fournir des informations aux représentants directs des citoyens européens (le Parlement), mais au contraire de court-circuiter ces derniers et de nourrir directement la prise de décision par l’exécutif (la Commission européenne et le Conseil des ministres).

Comment est apparue cette éthique institutionnelle ? En 1991, la Commission adresse une communication au Parlement et au Conseil intitulée « promouvoir les conditions de la compétitivité des activités industrielles basées sur la biotechnologie dans la Communauté » . On y trouve les prémisses du premier organe consultatif d’éthique, qui sera mis en place quelques mois plus tard. Le but est clair : pour la Commission, il faut à tout prix éviter une situation de débat public, forcément confus à ses yeux, qui freinerait les investissements des industriels et, par suite, l’innovation. L’éthique est alors présentée comme une solution permettant de cadrer le débat et d’en garder le contrôle.

Au nom du peuple, laissez faire les experts

Le contrôle, c’est bien là le mot. Avec une vision des sciences on ne peut plus positiviste, la Commission a construit un système d’éthique technocratique, au sein duquel les experts ont seuls droit de cité. Il est même question de la « science de l’éthique » … l’éthique est une affaire sérieuse, à discuter entre gens compétents ! Par ailleurs, tout un système rhétorique de légitimation sociale a été mis en place : on parle au nom des citoyens, on agit pour leur bien, en respectant les valeurs universelles qui fonderaient « l’identité européenne » – notion inventée spécialement pour l’occasion.

Et l’auteur de poser ici une série de questions qui font mouche : cette acception de l’éthique comme compétence réservée aux experts, donc à certaines personnes ainsi placées « au-dessus » des autres, est-elle compatible avec l’idée, inscrite dans nos démocraties, de citoyens libres et égaux entre eux ? Sa confiscation par une élite qui n’est pas issue des suffrages, ne contredit-elle pas l’idée d’individus tous doués, par nature, de capacité rationnelle à mener un raisonnement moral ? Et par suite, quelle légitimité est-il possible d’accorder à ce circuit d’expertise ?

L’éthique à la manière de l’Union européenne permet au marché de passer outre les lenteurs du débat parlementaire et de supprimer les barrières potentielles qui se dressent face à l’innovation en marche. Dans un contexte supposé de compétition mondiale, où il s’agirait de ne surtout pas se laisser distancer, l’Union ouvre ainsi un raccourci vers les marchés. En ayant gagné, au passage, un verni de légitimité.

« Vivre à 27 : le fonctionnement de l’Union européenne »

Organisation supranationale au statut ambigu, l’Union européenne représente plus qu’une organisation internationale comme une autre (telle que l’ONU par exemple), sans pour autant être assimilable à un État fédéral européen. Cette confusion résulte d’une histoire tumultueuse déjà vieille d’un demi-siècle, qui a vu s’opposer des visions différentes et parfois contradictoires de la construction européenne.
En l’état actuel, trois institutions majeures régentent son fonctionnement : la Commission, le Parlement et le Conseil des ministres.
- la Commission : organe indépendant des États-membres, elle assume à la fois la prise d’initiative au sein de l’Union et l’exécution des politiques adoptées, tout en veillant au respect et à l’application du droit communautaire par les Etats-membres.
- le Conseil : il réunit les ministres des États-membres ; c’est lui qui adopte la législation communautaire.
- le Parlement : élu au suffrage universel direct depuis 1979, dépositaire d’un simple rôle consultatif  au départ, il a vu ses compétences peu à peu renforcées pour pallier au « déficit démocratique » souvent reproché à l’Union.
Pour en savoir plus : le portail officiel de l’UE Europa ; le site de la Documentation française (livres et ressources en ligne) ; l’article « Union européenne » sur Wikipedia.

Article initialement publié sur Pris(m)e de tête

FlickR CC : Pete Prodoehl, Asha ten Broeke

]]>
http://owni.fr/2010/10/14/le-controle-de-lethique-par-les-experts/feed/ 0
L’éthique en pratique, est-ce bien démocratique ? http://owni.fr/2010/09/21/l%e2%80%99ethique-en-pratique-est-ce-bien-democratique/ http://owni.fr/2010/09/21/l%e2%80%99ethique-en-pratique-est-ce-bien-democratique/#comments Tue, 21 Sep 2010 09:50:57 +0000 Bastien Lelu http://owni.fr/?p=28682 Clonage humain, bébés-médicament, cellules souches… face aux questions préoccupantes que ne manquent pas de poser certaines possibilités techniques qui se manifestent à l’horizon des possibles, nous assistons à une généralisation des comités d’éthique. Souvent, ceux-ci sont vus comme une bonne chose, indispensable même, alors qu’ils ne constituent pas la seule possibilité pour avancer sur des questions délicates. Plus encore, ils peuvent servir un processus de choix de société concernant les sciences et les techniques.  Tout ce qu’il y a de moins démocratique.

Dans un article récent, la chercheuse en sciences politiques Mariachiara Tallacchini s’est penchée sur les effets concrets des comités d’éthique mis en place au niveau de l’Union européenne. A rebours des analyses usuelles, elle a cherché non pas ce que l’éthique devenait en s’institutionnalisant, mais plutôt comment celle-ci participait à redéfinir le politique. Le résultat est édifiant, comme vous pourrez le constater à la lecture de cette courte introduction aux réflexions de la chercheuse italienne.

Petite histoire d’une éthique institutionnalisée

Depuis une trentaine d’années, L’Union européenne  finance largement  la recherche et l’innovation et, par suite, fait face à un ensemble de questions sociétales liées au développement scientifique et technique. Pour y répondre, suivant l’évolution du modèle américain, elle a peu à peu remplacé un processus d’évaluation technologique relativement ouvert, destiné à informer les décisions du Parlement concernant les innovations technologiques, par les seuls comités d’éthique. Restreignant ainsi l’horizon des questions pertinentes à ce que ces comités jugent bon, il ne s’agit plus de fournir des informations aux représentants directs des citoyens européens (le Parlement), mais au contraire de court-circuiter ces derniers et de nourrir directement la prise de décision par l’exécutif (la Commission européenne et le Conseil des ministres).

Comment est apparue cette éthique institutionnelle ? En 1991, la Commission adresse une communication au Parlement et au Conseil intitulée « promouvoir les conditions de la compétitivité des activités industrielles basées sur la biotechnologie dans la Communauté » . On y trouve les prémisses du premier organe consultatif d’éthique, qui sera mis en place quelques mois plus tard. Le but est clair : pour la Commission, il faut à tout prix éviter une situation de débat public, forcément confus à ses yeux, qui freinerait les investissements des industriels et, par suite, l’innovation. L’éthique est alors présentée comme une solution permettant de cadrer le débat et d’en garder le contrôle.

Au nom du peuple, laissez faire les experts

Le contrôle, c’est bien là le mot. Avec une vision des sciences on ne peut plus positiviste, la Commission a construit un système d’éthique technocratique, au sein duquel les experts ont seuls droit de cité. Il est même question de la « science de l’éthique » … l’éthique est une affaire sérieuse, à discuter entre gens compétents ! Par ailleurs, tout un système rhétorique de légitimation sociale a été mis en place : on parle au nom des citoyens, on agit pour leur bien, en respectant les valeurs universelles qui fonderaient « l’identité européenne » – notion inventée spécialement pour l’occasion.

Et l’auteur de poser ici une série de questions qui font mouche : cette acception de l’éthique comme compétence réservée aux experts, donc à certaines personnes ainsi placées « au-dessus » des autres, est-elle compatible avec l’idée, inscrite dans nos démocraties, de citoyens libres et égaux entre eux ? Sa confiscation par une élite qui n’est pas issue des suffrages, ne contredit-elle pas l’idée d’individus tous doués, par nature, de capacité rationnelle à mener un raisonnement moral ? Et par suite, quelle légitimité est-il possible d’accorder à ce circuit d’expertise ?

L’éthique à la manière de l’Union européenne permet au marché de passer outre les lenteurs du débat parlementaire et de supprimer les barrières potentielles qui se dressent face à l’innovation en marche. Dans un contexte supposé de compétition mondiale, où il s’agirait de ne surtout pas se laisser distancer, l’Union ouvre ainsi un raccourci vers les marchés. En ayant gagné, au passage, un verni de légitimité.

« Vivre à 27 : le fonctionnement de l’Union européenne »

Organisation supranationale au statut ambigu, l’Union européenne représente plus qu’une organisation internationale comme une autre (telle que l’ONU par exemple), sans pour autant être assimilable à un État fédéral européen. Cette confusion résulte d’une histoire tumultueuse déjà vieille d’un demi-siècle, qui a vu s’opposer des visions différentes et parfois contradictoires de la construction européenne.
En l’état actuel, trois institutions majeures régentent son fonctionnement : la Commission, le Parlement et le Conseil des ministres.
- la Commission : organe indépendant des États-membres, elle assume à la fois la prise d’initiative au sein de l’Union et l’exécution des politiques adoptées, tout en veillant au respect et à l’application du droit communautaire par les Etats-membres.
- le Conseil : il réunit les ministres des États-membres ; c’est lui qui adopte la législation communautaire.
- le Parlement : élu au suffrage universel direct depuis 1979, dépositaire d’un simple rôle consultatif  au départ, il a vu ses compétences peu à peu renforcées pour pallier au « déficit démocratique » souvent reproché à l’Union.
Pour en savoir plus : le portail officiel de l’UE Europa ; le site de la Documentation française (livres et ressources en ligne) ; l’article « Union européenne » sur Wikipedia.

Article initialement publié sur Pris(m)e de tête

FlickR CC : Pete Prodoehl, Asha ten Broeke

]]>
http://owni.fr/2010/09/21/l%e2%80%99ethique-en-pratique-est-ce-bien-democratique/feed/ 11